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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 120

Le mardi 16 mars 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 16 mars 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, au cours des deux prochaines semaines, je ferai deux discours importants à l'extérieur du Sénat, le premier, à l'occasion d'une conférence organisée par le Groupe de consultation sur les minorités visibles, un sous-comité du comité sur l'équité en matière d'emploi de Statistique Canada, pour souligner la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, et le second, le 25 mars, dans le cadre du dîner-causerie annuel du comité pour l'égalité des chances et de la participation du ministère du Patrimoine canadien.

Pour me préparer en vue de ces deux événements, j'ai fait un peu de recherche sur l'équité en matière d'emploi ou sur son absence au Parlement du Canada en général et au Sénat en particulier. C'est le gouvernement précédent, sous l'égide du premier ministre Brian Mulroney, qui a désigné quatre groupes-cibles dans la Loi de 1986 sur l'équité en matière d'emploi. Ces groupes - les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles - ont été désignés parce que leurs membres ne pouvaient compter améliorer leurs perspectives d'emploi ou de promotion dans la fonction publique sans une intervention législative visant à les protéger.

En 1995, le Parlement a adopté le projet de loi C-64, qui a étendu à toutes les entreprises privées sous réglementation fédérale l'obligation d'assurer chez elles l'équité en matière d'emploi. Cette loi comportait toutefois une grave lacune, à savoir qu'elle ne s'appliquait pas au Parlement. Le sénateurs progressistes-conservateurs ont réclamé un amendement qui aurait comblé cette lacune, mais ils n'ont réussi à obtenir qu'une lettre dans laquelle le ministre alors responsable, Lloyd Axworthy, promettait que la loi serait un jour modifiée.

Nous sommes maintenant en mars 1999. Ayant récemment examiné les statistiques relatives à la fonction publique, à la Chambre des communes et au Sénat, je puis dire à mes honorables collègues qu'abstraction faite des femmes, tous les groupes désignés sont gravement sous-représentés dans la fonction publique, à tous les échelons, ainsi que dans les deux Chambres du Parlement.

Les membres de minorités visibles représentent 5 p. 100 de la population totale de la fonction publique. Au niveau de la direction, cette proportion tombe d'environ 45 p. 100. Le dernier rapport annuel sur l'équité en matière d'emploi révèle que seulement 2,8 p. 100 des postes de direction sont occupés par des membres de minorités visibles. Traduit en chiffres, cela veut dire 91 personnes sur 3 200. Si nous divisons le total de 9 260 membres de minorités visibles employés à la fonction publique par ce chiffre de 91 personnes, nous constatons que seulement 1 p. 100 des membres de minorités visibles occupent des postes de direction. C'est un chiffre qui inspire difficilement confiance dans les chances de quiconque d'atteindre le sommet ou dans l'engagement de la direction à l'égard de la politique d'équité en matière d'emploi.

La situation est la même en ce qui concerne la Chambre des communes. Moins de 2 p. 100 des employés sont des membres de minorités visibles, un peu plus de 1 p. 100 sont des personnes handicapées et moins de 1 p. 100 sont des autochtones. Au Sénat, seulement 1,2 p. 100 des employés sont des membres de minorités visibles, 0,6 sont des personnes handicapées, et 1,4 p. 100 sont des autochtones. Nous devrions fixer une norme pour toutes les entreprises et pour tous les organes du gouvernement au Canada. Nous ne devrions pas être à la traîne, surtout comme nous le sommes maintenant.

Nos organes directeurs devraient refléter la mosaïque canadienne. Au début de la prochaine décennie, la population de Toronto, la plus grande ville canadienne, sera constituée à plus de 50 p. 100 de groupes de minorités visibles. Ce groupe et les autres groupes désignés doivent être représentés au sein des organes directeurs du Canada si nous voulons qu'ils se sentent vraiment comme faisant partie intégrante de ce pays. J'estime que le Sénat devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que son personnel soit représentatif des quatre groupes désignés.

Son Honneur le Président: Je suis désolé de devoir vous interrompre, mais les trois minutes qui vous sont allouées sont écoulées.

Le sénateur Graham: Poursuivez.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Oliver: J'estime que le Sénat devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que son personnel soit représentatif des quatre groupes désignés par le gouvernement précédent. J'exhorte le gouvernement à introduire une loi qui assujettira le Parlement, la Chambre des communes et le Sénat à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

[Français]

Privilèges, Règlement et procédure

Précision de la présidente du comité à une réponse donnée

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, jeudi dernier, lors de la présentation du neuvième rapport du comité des privilèges, du Règlement et de la procédure, j'ai utilisé un langage qui pourrait paraître contraire à l'article 51 du Règlement du Sénat.

Si mes paroles ont offensé un de mes honorables collègues, j'en suis désolée. Le but de mon propos était de répondre à des questions soulevées lors de la séance du 9 mars 1999, et non de contrevenir à l'un de nos règlements.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 17 mars 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur les allocations aux anciens combattants
La Loi sur les pensions
La Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils
La Loi sur le ministère des Anciens combattants
La Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)
La Loi sur la prise en charge des prestations de la Commission de secours d'Halifax

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les allocations aux anciens combattants, la Loi sur les pensions, la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, la Loi sur le ministère des Anciens combattants, la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), la Loi sur la prise en charge des prestations de la Commission de secours d'Halifax et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain, le 18 mars 1999.)

Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de jeudi prochain, le 18 mars 1999.)

Le Budget des DÉpenses DE 1998-1999

Présentation et impression du rapport du comité des finances nationales sur le Budget supplémentaire des dépenses (C)

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son dixième rapport, qui porte sur le Budget supplémentaire des dépenses (C).

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux procès-verbaux d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe A, p. 1358, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stratton, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation et impression du rapport du comité des finances nationales sur le Budget principal des dépenses

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son onzième rapport, qui porte sur le Budget principal des dépenses.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux procès-verbaux d'aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure à l'annexe B, p. 1365, des Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stratton, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La loi électorale du canada

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable John Lynch-Staunton présente le projet de loi S-27, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (heures du scrutin aux élections partielles).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du mercredi 24 mars 1999.)

Revue des politiques sur les armes nucléaires

Avis de motion

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je donne avis au nom du sénateur Roche que, le mercredi 17 mars 1999, il proposera:

Que le Sénat recommande au gouvernement du Canada d'exhorter l'OTAN à entreprendre une revue de ses politiques sur les armes nucléaires lors de la conférence au sommet de l'OTAN qui aura lieu du 23 au 25 avril 1999.

Le soudan

Avis d'interpellation

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 23 mars 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation au Soudan.

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous signaler la présence à notre tribune d'un visiteur de marque en la personne du secrétaire général de l'OSCE, l'ambassadeur Giancarlo Aragona.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat, monsieur le secrétaire général.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'OTAN

Les engagements pris au Kosovo-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, selon les derniers renseignements obtenus, il semble que les pourparlers en vue d'une entente sur le Kosovo soient loin d'aboutir. Jusqu'à présent, nous n'en sommes arrivés qu'à un cessez-le-feu fragile et non à une entente réelle.

L'OTAN, qui a déjà fait part de ses couleurs dans ce dossier, continue de menacer de lancer des bombes si les deux parties n'arrivent pas à s'entendre, tandis que le président Clinton a plus ou moins promis d'envoyer 4 000 militaires, tout en demandant à l'OTAN d'en envoyer 20 000 de plus si les Serbes et les Kosovars d'origine albanaise n'arrivaient pas à s'entendre.

(1420)

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: quelle est la position du gouvernement canadien à l'égard des deux engagements que l'OTAN est prête à prendre directement à l'égard des bombardements ainsi que de l'envoi de troupes au sol au Kosovo?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question fait l'objet d'un suivi quotidien par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale ainsi que par leurs fonctionnaires. Comme on l'a mentionné plus tôt, le gouvernement du Canada est prêt à engager 800 militaires au sol, si nécessaire. Nous avons aussi six chasseurs CF-18 stationnés en Italie prêts à entrer en action si nécessaire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, savons-nous au juste à quoi nous exposerions ces 800 militaires? La situation là-bas est très instable. Elle a les allures d'une guerre civile et nous nous ingérerions dans les affaires d'un pays souverain, peu importe à quel point ces affaires sont répréhensibles.

Ma question est la suivante: est-ce vraiment le rôle de l'OTAN, maintenant qu'elle n'a plus l'Union soviétique à affronter, de s'ingérer dans ces graves conflits? Avons-nous suffisamment réfléchi à notre politique avant d'engager les 800 militaires, sachant dans quel état se trouvent nos forces armées, tant pour ce qui est du personnel que de l'équipement?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le chef de l'opposition et je reconnais nos responsabilités. Plus particulièrement, nous avons pris des engagements à l'égard des événements dans ce malheureux coin du monde. Nous avons l'intention d'honorer ces engagements. Comme je l'ai mentionné, la situation fait l'objet d'un suivi quotidien par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale ainsi que par le premier ministre.

La situation au Kosovo-La demande de comparution de témoins devant le comité plénier sur la participation du canada-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, la question est importante. L'OTAN s'engage dans une voie qui était imprévue au moment de sa création en 1949.

Le leader du gouvernement conviendra-t-il que le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense devraient été invités à comparaître devant un comité plénier du Sénat pour traiter de cette question, afin que nous comprenions mieux dans quelle direction au juste on nous entraîne?

Je crains que nous ne prenions ces engagements parce que nous les avons toujours pris. Nous avons toujours participé à des missions internationales de maintien de la paix. Cependant, dans le cas qui nous occupe, il ne s'agit pas de rétablir la paix ni même de la maintenir. Il s'agit de tenter de garder deux camps séparés pendant qu'un règlement est mis en oeuvre.

Je voudrais que les ministériels donnent leur appui à la comparution du ministre de la Défense nationale, du chef d'état-major de la Défense et du ministre des Affaires étrangères devant ce comité plénier, car il s'agit là d'une question non sectaire. Nous devons discuter de cette question pour mieux comprendre toute la situation au Kosovo et la participation éventuelle du Canada.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères accomplit un excellent travail en étudiant des questions de cette nature et des questions internationales connexes. Je crois qu'il constituerait la tribune appropriée pour le ministre de la Défense nationale et, si le comité le décidait, le chef d'état-major de la Défense, qui viendraient témoigner et répondre aux questions.

Cependant, si le chef de l'opposition désire poursuivre l'idée d'une étude en comité plénier, il faudrait que nous discutions plus longuement de cet aspect.

[Français]

La situation au Kosovo-Demande de comparution du ministre de la Défense nationale devant le comité plénier-La position du gouvernement

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, j'aimerais rappeler au leader du gouvernement au Sénat qu'avant le déclenchement de la guerre du Golfe, en janvier 1991, les Nations Unies avaient demandé la participation du Canada. Le gouvernement avait répondu affirmativement à cette demande et avait mis en application la politique des Nations Unies mais, avant cela, le ministre de la Défense nationale avait comparu devant le comité des affaires étrangères pour en discuter. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous assurer de la présence du ministre de la Défense pour en discuter?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous devrions peut-être discuter davantage de la question. Le chef de l'opposition a suggéré que le ministre de la Défense nationale et le chef d'état-major de la Défense comparaissent devant le comité plénier. Le sénateur Bolduc a suggéré que le ministre des Affaires étrangères comparaisse lui aussi. Je suggère que nous en discutions davantage avec le président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour déterminer s'il s'agit ou non de l'instance appropriée pour entendre les ministres et hauts fonctionnaires que je viens de mentionner. Cette question fera l'objet d'une attention sérieuse.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, si ces négociations ou ces discussions parvenaient à une heureuse conclusion, pourrions-nous avoir l'engagement que le Sénat, dans son ensemble, sera saisi de la question?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, comme je l'ai suggéré au sénateur Forrestall à une autre occasion, il existe divers moyens d'y parvenir. En effet, on pourrait présenter un avis d'interpellation, comme le sénateur l'a déjà fait.

Les transports

La grève des manutentionnaires de grain de la côte Ouest-Les répercussions pour les agriculteurs des Prairies-La position du gouvernement

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai soulevé la question des problèmes auxquels les agriculteurs font face. Cette semaine, nous déplorons une grève des manutentionnaires de grain à Vancouver qui aggrave ces problèmes. Depuis maintenant plusieurs semaines, il n'y a plus de place dans bon nombre d'élévateurs pour recevoir les livraisons de grain. Par-dessus le marché, les agriculteurs sont maintenant confrontés à une grève sur la côte Ouest.

Ma question à l'intention du leader du gouvernement au Sénat est double: que fait le gouvernement, ou que fera-t-il? Fera-t-il part de la gravité de ce problème au Cabinet et au gouvernement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai eu des conversations à ce sujet ce matin même avec mes collègues du Cabinet. La question fait l'objet d'une très sérieuse attention.

Nous espérons que la question sera réglée rapidement. Nous sommes conscients que le problème ne touche pas que les agriculteurs mais qu'il est en train de prendre une envergure nationale. Par conséquent, le gouvernement examine très attentivement la question.

Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, la grève sur la côte Ouest tombe à un bien mauvais moment. Les responsables semblent avoir choisi une période cruciale pour les agriculteurs. Le printemps est la saison des semences et les agriculteurs comptent sur la livraison du grain. Je ne saurais trop insister sur l'importance de saisir le gouvernement de la question.

Le sénateur Graham: Merci.

Les finances nationales

Le fardeau fiscal, cause d'émigration-Les récentes déclarations d'éminents Canadiens-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la question de la fiscalité, qui commence à faire sentir ses effets jusque dans la famille du premier ministre. M. Paul Desmarais père, qui est parent par alliance du premier ministre, a déclaré au National Post, le 11 mars dernier, que les États-Unis offrent un brillant avenir aux jeunes et que ces derniers peuvent y utiliser leur argent comme ils l'entendent et disposent d'un revenu net plus élevé. M. Desmarais s'est dit d'avis qu'il est plus avantageux de vivre aux États-Unis. Il a ajouté qu'il n'avait pas lui-même l'intention de quitter le Canada, mais qu'il y avait songé très souvent et que plusieurs de ses amis l'ont déjà fait.

Honorables sénateurs, cela soulève de sérieuses questions concernant la politique gouvernementale. Le gouvernement a-t-il déjà tenté de déterminer combien de Canadiens quittent le Canada pour des raisons fiscales et combien de recettes fiscales sont perdues en conséquence?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai lu moi aussi avec intérêt les commentaires de M. Desmarais, qui ne donne pas souvent d'entrevue à la presse. Une des raisons pour lesquelles M. Desmarais jouit d'une grande estime, c'est qu'il privilégie des politiques d'intérêt public cohérentes qui servent l'intérêt du plus grand nombre plutôt que celui de quelques privilégiés.

M. Desmarais a livré des réflexions personnelles, qui l'ont amené à conclure qu'il devait continuer de résider à plein temps au Canada, ce pays qui lui a dispensé ses bienfaits comme à tant d'autres et où il a pu faire des affaires.

(1430)

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, dans le National Post d'aujourd'hui, Jim Pattison, milliardaire de Vancouver, entre lui aussi dans le débat sur le niveau élevé des impôts. Il soutient que nos impôts élevés chassent nos éléments les plus brillants vers les États-Unis. Pour sa part, il reste au Canada, mais il estime que la fiscalité est un gros problème qui ne fait que s'aggraver. À cause de nos taux élevés d'imposition, nous ne sommes pas concurrentiels, et de bons éléments quittent notre pays. Ce sont des gens qui prennent des décisions sur les investissements et créent des emplois, et nous les chassons.

L'honorable sénateur nous dirait-il si le gouvernement partage la conviction de M. Pattison, selon qui nous chassons ceux qui prennent les décisions en matière d'investissement?

Le sénateur Graham: Non, pas du tout, honorables sénateurs. M. Pattison est un autre de ces Canadiens qui ont fort bien réussi dans les affaires au Canada. Il y en a beaucoup d'autres qui ont tiré profit de l'entreprise canadienne et qui ont préféré payer des impôts au Canada, malgré les différences dans les taux d'imposition.

J'espère que le sénateur Oliver ne propose pas que nous ramenions immédiatement nos impôts au même niveau que ceux des États-Unis ou de quelque refuge fiscal. Si oui, je lui demanderai de dire quels programmes il serait disposé à supprimer. Être citoyen canadien comporte de nombreux avantages, comme le reconnaîtront M. Desmarais, M. Pattison et tous leurs employés. Nous avons des avantages comme le meilleur régime de santé du monde, l'environnement le plus sain et, en matière de criminalité, la société la plus sûre. Être un Canadien, c'est bien plus que d'avoir des millions de dollars dans ses poches. Être un fier Canadien, cela veut dire vivre dans un pays que l'ONU a encore désigné comme le meilleur du monde.

Les droits de la personne

L'emprisonnement récent de dissidents par Cuba-La décision du premier ministre de réexaminer les accords et les arrangements-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la nouvelle très surprenante et très plaisante que nous avons apprise ce matin. Il semble que le premier ministre ait décidé que Cuba ne soit pas le beau petit pays qu'il pensait il y a quelques mois. C'est le même homme qui, il y a peu de temps de cela, se tenait sur la tribune avec Castro alors que le porte-parole de Castro comparait nos alliés américains, nos meilleurs partenaires commerciaux, au régime nazi coupable de l'Holocauste. Il est resté là sans rien dire, ce qui laissait supposer qu'il était d'accord.

Je crois comprendre que le gouvernement du Canada réévalue ses relations avec Cuba à cause de la détention par Cuba de quatre personnes qui prônent la démocratie et qui ont été emprisonnées par ce régime. Le ministre pourrait-il nous éclairer sur ces modifications? Quels arrangements sont réexaminés par le gouvernement du Canada à l'égard de Cuba?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, notre politique fondamentale d'engagement à l'égard de Cuba ne changera pas. Nous croyons, à l'instar du pape, de la plupart des pays d'Amérique latine, des Antilles et de l'Europe, que l'établissement d'un dialogue avec les Cubains et la collaboration avec eux pour parvenir à une plus grande ouverture sur le monde est préférable à toute autre solution. Nous entendons continuer à faire cela.

Mettre un terme à notre engagement à l'égard de Cuba reviendrait à abandonner ceux dont le sénateur Di Nino parle. Ces quatre dissidents seraient abandonnés à leur sort au moment même où ils ont besoin de notre appui plus que jamais.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, ai-je raison de penser alors que les rumeurs voulant qu'on réexamine certaines de nos relations ne sont pas fondées? Si, au contraire, c'est exact, quelles relations réexaminons-nous?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont déjà indiqué très clairement que nous sommes déçus par les récents événements à Cuba. Nous l'avons dit aux Cubains très franchement. C'est ce que des amis et des partenaires font, tout comme nous avons félicité le gouvernement cubain, l'année dernière, lorsqu'il a décidé de donner une plus grande liberté à l'Église.

Notre politique d'engagement est destinée à donner à des particuliers et à des institutions la possibilité d'effectuer des changements à Cuba. Cette politique donne des résultats, mais des changements majeurs ne se produiront pas du jour au lendemain. Il y aura des problèmes de temps à autre, mais il est important de maintenir le dialogue avec les Cubains.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, je suis ravi d'entendre le ministre dire que le gouvernement va poursuivre le dialogue et, espérons-le, continuer de formuler des critiques afin de promouvoir une certaine démocratie et le respect des droits fondamentaux de la personne dans un des pays que certaines organisations internationales considèrent comme l'un des pires de ce point de vue.

Le ménagement de la Chine par le premier ministre-L'engagement d'exprimer à son vis-à-vis des critiques concernant l'occupation du Tibet lors de sa prochaine visite-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, la Chine est probablement l'un des pays les moins respectueux à cet égard. La même situation existe là-bas, mais, à ma connaissance, aucun représentant du gouvernement du Canada n'a montré le même courage en dénonçant la violation ou la non-reconnaissance des droits fondamentaux de la personne par la Chine, notamment - et vous reconnaîtrez tous l'intérêt que je porte à la question - à l'endroit du Tibet.

Le leader du gouvernement au Sénat demandera-t-il au premier ministre et à ses collègues de faire exactement la même chose lorsque le premier ministre de la Chine viendra prochainement en visite au Canada? Au nom des Canadiens, feront-ils part au premier ministre chinois des critiques des Canadiens à cet égard et le feront-ils publiquement, de manière à ce que nous sachions que cela a été fait?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je pense qu'il est juste de dire que les relations du Canada avec ses partenaires commerciaux, mais aussi avec tous les pays, font l'objet d'un examen constant. Dans le cas de Cuba, c'est justement ce que signifie l'examen de nos activités. Il s'agit d'un examen. Il ne faut préjuger de rien. À la lumière des événements récents, il se pourrait que nous puissions ou devions rajuster certaines de nos activités à Cuba afin de mieux atteindre nos objectifs.

Le sénateur Di Nino fait des allégations au sujet de la Chine et il parle d'un manque de courage de la part du premier ministre. Sauf le respect que je lui dois, j'invite le sénateur Di Nino à examiner les comptes rendus de la visite du premier ministre Chrétien en Chine et à examiner les déclarations que celui-ci a faites publiquement au sujet de la violation des droits de la personne dans ce pays. Il pourra alors mieux comprendre ce que le premier ministre de notre pays a dit là-bas.

Le manque de preuves concernant le changement d'attitude du président de Cuba-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, à Cuba, la violation des droits de la personne n'a jamais cessé. Pourquoi adoptons-nous une position aussi inflexible envers les États-Unis, notre plus important partenaire commercial et notre plus grand allié? Le ministre peut-il nous expliquer quels progrès le gouvernement a obtenus en se rangeant du côté de Cuba?

Sous le régime conservateur précédent, lorsque le premier ministre a pris position contre l'apartheid, il l'a fait de façon claire et non équivoque. Dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, le gouvernement fait les yeux doux à Fidel Castro, qui continue d'agir comme il l'a toujours fait. Pourtant, le gouvernement voudrait faire croire aux Canadiens et au monde entier que les choses ont changé. Rien n'a vraiment changé, si ce n'est les manchettes publiées en première page par quelques journaux aujourd'hui.

(1440)

Le ministre pourrait-il nous donner son avis?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le Canada organisera, au cours des deux prochaines années, plusieurs grands événements auxquels participeront les pays de notre hémisphère, nous avons cherché des façon d'intégrer Cuba à nos activités et institutions régionales. Je comprends les inquiétudes manifestées par l'honorable sénateur St. Germain et d'autres intervenants. Il faudra peut-être modérer ou interrompre nos efforts jusqu'à ce que les intentions de Cuba se précisent.

Je signale aux honorables sénateurs que plusieurs ministres canadiens avaient envisagé de se rendre à Cuba au cours des prochains mois, et je crois qu'on leur demandera de retarder leur projet jusqu'à ce que le ministre des Affaires étrangères ait eu la chance d'examiner et de clarifier la situation.

Le sénateur Di Nino: Voilà de bonnes nouvelles.

La possibilité de demander une résolution de la Commission des droits de la personne sur Cuba-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le dialogue constructif est de toute évidence un bon point de départ mais, si cela ne donne aucun résultat, nous devrons passer à autre chose.

Le gouvernement envisage-t-il de demander à la Commission des droits de la personne d'adopter une résolution sur Cuba? Si une telle résolution sur Cuba est à l'étude par la Commission des droits de la personne cette année, le Canada en deviendra-t-il signataire?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il serait présomptueux de ma part, en tant que simple ministre, de faire une déclaration définitive à cet égard. Je suis certainement en faveur d'une telle mesure, si des progrès ne sont pas réalisés aux autres niveaux dont j'ai parlé tout à l'heure. Le fait de prendre les mesures dont j'ai parlé - à savoir que le Canada réévalue ses relations avec Cuba dans plusieurs domaines et que plusieurs ministres reportent leur visite dans ce pays - serait un message assez éloquent.

Le commerce international

L'appui à la candidature du haut-commissaire au poste de président de l'Organisation mondiale du commerce-Le manque de preuves de son intention-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement appuie pleinement la candidature du haut-commissaire MacLaren à la présidence de l'Organisation mondiale du commerce? Dans l'affirmative, quelles mesures sont prises pour appuyer sa candidature?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je puis donner l'assurance au sénateur Andreychuk que le Canada appuie sans réserve la candidature du haut-commissaire MacLaren à ce poste et il ne faut jamais sous-estimer la capacité du Canada d'atteindre son objectif dans des questions semblables.

J'ai assisté avec fascination à la nomination de Don Johnson au poste élevé qu'il occupe actuellement à l'OCDE. J'ai entendu certaines des discussions qui ont eu lieu à ce moment-là et j'ai vu le premier ministre canadien travailler à cette fin. Je ne sais pas quelle classification accorder à un maître des échecs, mais c'est avec fascination que je l'ai observé nouer des relations avec les divers intervenants relativement à ce très important poste. Je ne doute pas qu'il fera de même en ce qui concerne M. MacLaren.

Je le répète, pour répondre à la question du sénateur, bien sûr, le Canada appuie entièrement la candidature du haut-commissaire MacLaren.

Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, je suis ravie d'apprendre que le gouvernement appuie M. MacLaren, car je crois que celui-ci a les compétences dont l'Organisation mondiale du commerce a besoin.

Comme le ministre soulève la question de notre candidature à l'OCDE, je lui rappellerai les efforts que nous avons déployés pour décrocher un siège au Conseil de sécurité. Je ne vois pas de poste plus important pour le Canada à ce moment-ci que celui qui s'offre à l'Organisation mondiale du commerce et je ne vois personne de plus qualifié que M. MacLaren pour diriger cette organisation. Si le commerce nous intéresse vraiment et si nous voulons vraiment obtenir notre juste part du marché mondial, nous voudrons certes un homme du calibre de M. MacLaren à l'Organisation mondiale du commerce.

Ce qui me préoccupe, c'est non pas ce que fait M. MacLaren - car je crois qu'il travaille au meilleur de sa compétence - mais le manque de ferveur du gouvernement. Je voudrais savoir si l'on consacre la même somme d'argent à faire mousser notre candidature à l'Organisation mondiale du commerce qu'on ne l'a fait mousser à l'ONU. Combien d'émissaires ont été envoyés pour faire valoir la candidature de M. MacLaren, en plus des démarches habituelles des ambassadeurs dans les diverses capitales?

D'après ce que je peux voir sur la colline du Parlement, il ne semble pas y avoir autant de ministres qui font campagne pour appuyer cette candidature. Il ne semble pas y avoir autant d'argent dépensé. Je ne vois pas le même genre de dépenses de représentation que dans le cas du siège au Conseil de sécurité. Pourtant, je crois que ce serait une importante stratégie commerciale pour le Canada que de faire en sorte que l'Organisation mondiale du commerce aille dans la bonne direction. Je voudrais bien être assurée que le Canada prend cette candidature au sérieux.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur pour son appui, compte tenu de la réputation internationale dont elle jouit elle-même grâce à ses nombreuses réalisations. Je serai heureux d'informer mes collègues de son intervention dans ce dossier.

J'hésiterais cependant à parler de dépenses et de frais de représentation parce que la notion même de représentation éveille des connotations, en raison de la récente controverse entourant les Jeux olympiques. Je ne voudrais certainement pas m'engager sur cette pente dangereuse à ce moment-ci.

Comme le sénateur Andreychuk l'a dit, le Canada et M. MacLaren, en tant que représentant et en tant que candidat, devraient être jugés selon leur propre mérite.

Le budget des dépenses de 1998-1999

Le rapport du comité des finances nationales sur le budget supplémentaire des dépenses (c)-Les questions adressées au président du comité

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, j'aimerais adresser une question à l'honorable sénateur Stratton en sa qualité de président du comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le dernier paragraphe du dixième rapport qu'il a déposé aujourd'hui nous apprend que le comité craint une perte massive possible de personnel dans la fonction publique au cours des prochaines années.

Le président du comité peut-il dire aux honorables sénateurs quelle est la nature de cette perte massive possible? S'il s'agit d'une évocation exacte des craintes du comité, la solution réside-t-elle dans l'attribution d'une rémunération comparable? Sinon, est-ce parce que la fonction publique n'attire pas les Canadiens, et en particulier les jeunes Canadiens, pour d'autres raisons?

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur Austin, le rapport ayant été déposé aujourd'hui en vue de son examen demain. Je crois donc que la question de l'honorable sénateur devance un débat qui aura lieu demain.

La défense nationale

L'indemnisation versée à la succession des pilotes victimes d'écrasement-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, avant de poser ma question, je tiens à remercier le leader du gouvernement au Sénat et le ministre Eggleton d'avoir réglé rapidement l'affaire du capitaine Musselman, qui était sans aucun doute une source d'embarras.

Ma question ne vise pas à savoir si, oui ou non, le gouvernement estime que c'est un précédent, mais, si d'autres pilotes perdaient la vie dans l'exercice de leurs fonctions, leurs familles auraient-elles droit à la même attention?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je présume que oui, honorables sénateurs. Je remercie l'honorable sénateur Forrestall d'avoir porté cette question à notre attention, mais j'ajoute que cela ne veut pas dire que le ministre de la Défense nationale n'était pas informé du problème.

(1450)

Cependant, j'ai trouvé dans les questions du sénateur et dans le court débat qui a eu lieu ici une raison de plus pour saisir le ministre de la Défense nationale de la question. Je crois que le ministre a agi correctement et rapidement dans cette affaire.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je partage ce point de vue.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Forrestall, la période des questions est terminée. Je vous autorise cependant à poursuivre votre question, après quoi nous passerons aux réponses différées.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute pour la plupart des gens que les contrats de ce genre devraient contenir une disposition applicable en cas de décès. Quoi qu'il en soit, le ministre pourrait-il examiner, avec ses collègues du Cabinet, le principe que j'ai énoncé il y a quelques instants, à savoir l'application d'une telle attention aux autres pilotes en fonctions? Dans les cas où le gouvernement jugerait opportun d'offrir un incitatif quelconque pour garder des personnes hautement compétentes, un incitatif de ce genre pourrait être promis ou être implicite dans les contrats. Je pense que c'est important pour les autres pilotes. D'ailleurs, je sais que cette décision a eu des effets réconfortants, surtout à cause de la rapidité avec laquelle elle est intervenue.

Le ministre a raison. Le gouvernement mérite notre reconnaissance, mais le plus important est qu'il y a des centaines d'autres hommes et femmes qui se trouvent dans la même situation, qui sont en service actif au sein des forces armées, et eux-mêmes et leurs familles pourront bénéficier de cette prestation.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, Dieu nous garde d'un autre accident semblable, mais le sénateur Forrestall a tout à fait raison. Nous devons pouvoir assurer un certain bien-être et fournir certaines garanties aux hommes et aux femmes qui font partie des forces armées. Aussi, je serai heureux de faire part de son point de vue.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée au Sénat, le 2 mars 1999, par l'honorable sénateur Di Nino concernant l'accroissement des échanges commerciaux avec des pays où s'est rendue Équipe Canada, notamment la Chine.

Le commerce international

L'augmentation des échanges commerciaux avec des pays où s'est rendue Équipe Canada, notamment la Chine-Demande de précisions

(Réponse à une question posée au Sénat le 2 mars 1999 par l'honorable Consiglio Di Nino)

Le tableau ci-joint indique les tendances observées au niveau du commerce qui se fait entre le Canada et les pays visités par Équipe Canada. D'une façon générale, on note une augmentation des échanges pour l'ensemble des marchés, malgré une baisse dans les exportations de certains produits en raison de divers facteurs économiques.

Les missions d'Équipe Canada ont pour objet d'établir des relations commerciales à court et à long termes. Dans bien des cas, les relations d'affaires que ces missions ont rendu possibles procureront des avantages qui se feront sentir des années durant.

COMMERCE CANADIEN DES MARCHANDISES

 

Base douanière

 

 

 

 

Milliers de $C

 

 

Croissance en %

 

1994 1995 1996 1997 1998 1998/94
Exportations

 

 

 

 

 

 

 

Argentine

 

199,897

 

237,449

 

204,424

 

409,076

 

319,390

 

59.8%

 

Brésil

 

981,592

 

1,310,623

 

1,428,581

 

1,674,970

 

1,369,937

 

39.6%

 

Chili

 

314,436

 

387,487

 

415,466

 

392,436

 

323,353

 

2.8%

 

Chine

 

2,301,819

 

3,463,338

 

3,011,643

 

2,368,259

 

2,140,746

 

-7.0%

 

Inde

 

286,175

 

440,296

 

352,679

 

475,145

 

354,924

 

24.0%

 

Indonésie

 

476,449

 

662,830

 

955,868

 

796,400

 

511,517

 

7.4%

 

Corée du Sud

 

2,231,000

 

2,730,651

 

2,816,864

 

2,994,766

 

1,773,058

 

-20.5%

 

Malaysie

 

293,289

 

572,674

 

542,156

 

698,424

 

427,776

 

45.9%

 

Mexique

 

1,083,478

 

1,148,124

 

1,256,889

 

1,328,064

 

1,363,492

 

25.8%

 

Pakistan

 

70,790

 

125,432

 

86,594

 

129,641

 

85,005

 

20.1%

 

Philippines

 

195,984

 

328,096

 

292,274

 

426,395

 

187,852

 

-4.1%

 

Thaïlande

 

409,691

 

579,152

 

573,585

 

466,064

 

286,877

 

-30.0%

 

 

1994 1995 1996 1997 1998 1998/94
Importations

 

 

 

 

 

 

 

Argentine

 

132,740

 

169,896

 

186,326

 

231,449

 

259,214

 

95.3%

 

Brésil

 

960,545

 

1,038,125

 

1,133,550

 

1,314,148

 

1,375,403

 

43.2%

 

Chili

 

238,179

 

278,906

 

342,190

 

324,875

 

359,816

 

51.1%

 

Chine

 

3,856,113

 

4,639,200

 

4,926,099

 

6,309,151

 

7,650,000

 

98.4%

 

Inde

 

458,783

 

541,378

 

603,592

 

740,671

 

898,599

 

95.9%

 

Indonésie

 

522,201

 

597,199

 

625,656

 

808,867

 

921,359

 

76.4%

 

Corée du Sud

 

2,504,161

 

3,204,304

 

2,726,907

 

2,824,255

 

3,314,734

 

32.4%

 

Malaysie

 

1,213,828

 

1,549,716

 

1,577,815

 

1,984,852

 

1,997,028

 

64.5%

 

Mexique

 

4,525,375

 

5,351,736

 

6,033,264

 

6,991,115

 

7,645,045

 

68.9%

 

Pakistan

 

198,635

 

204,333

 

165,257

 

205,031

 

227,446

 

14.5%

 

Philippines

 

469,174

 

497,405

 

552,785

 

723,933

 

957,811

 

104.1%

 

Thaïlande

 

895,598

 

1,013,787

 

1,043,421

 

1,172,220

 

1,273,228

 

42.2%

 

 

1994 1995 1996 1997 1998 1998/94
COMMERCE TOTAL

 

Argentine

 

332,637

 

407,345

 

390,750

 

640,525

 

578,604

 

73.9%

 

Brésil

 

1,942,137

 

2,348,748

 

2,562,131

 

2,989,118

 

2,745,340

 

41.4%

 

Chili

 

552,615

 

666,393

 

757,656

 

717,311

 

683,169

 

23.6%

 

Chine

 

6,157,932

 

8,102,538

 

7,937,742

 

8,677,410

 

9,790,746

 

59.0%

 

Inde

 

744,958

 

981,674

 

956,271

 

1,215,816

 

1,253,523

 

68.3%

 

Indonésie

 

998,650

 

1,260,029

 

1,581,524

 

1,605,267

 

1,432,876

 

43.5%

 

Corée du Sud

 

4,735,161

 

5,934,955

 

5,543,771

 

5,819,021

 

5,087,792

 

7.4%

 

Malaysie

 

1,507,117

 

2,122,390

 

2,119,971

 

2,683,276

 

2,424,804

 

60.9%

 

Mexique

 

5,608,853

 

6,499,860

 

7,290,153

 

8,319,179

 

9,008,537

 

60.6%

 

Pakistan

 

269,425

 

329,765

 

251,851

 

334,672

 

312,451

 

16.0%

 

Philippines

 

665,158

 

825,501

 

845,059

 

1,150,328

 

1,145,663

 

72.2%

 

Thaïlande

 

1,305,289

 

1,592,939

 

1,617,006

 

1,638,284

 

1,560,105

 

19.5%

 

Source: Statistique Canada

 

 

 

 

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le transport aérien

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet deloi S-23, Loi modifiant la Loi sur le transport aérien et portant mise en oeuvre d'un protocole portant modification de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et portant mise en oeuvre de la Convention, complémentaire à la Convention de Varsovie, pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international effectué par une personne autre que le transporteur contractuel, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir pour parler du projet de loi S-23 à l'étape de la troisième lecture.

[Français]

Il y a à peine une semaine, les membres du comité sénatorial permanent des transports et des communications ont examiné attentivement le projet de loi et ont décidé à l'unanimité de le soumettre à l'étape de la troisième lecture. Je tiens à les remercier de leur diligence.

Vous vous rappellerez que le projet de loi S-23 a pour objet de modifier la Loi sur le transport aérien, de telle sorte que le Canada puisse ratifier deux instruments internationaux en matière de responsabilité des transporteurs aériens et y devenir partie, soit le Protocole de Montréal numéro 4 et la Convention de Guadalajara. Ces documents ont pour effet de mettre à jour les dispositions de la Convention de Varsovie, qui énoncent les responsabilités et droits légaux des transporteurs, passagers et expéditeurs en matière de transport aérien international.

[Traduction]

La Loi sur le transport aérien a été promulguée en 1947 afin de donner au gouvernement fédéral le pouvoir de faire en sorte que le Canada adhère à la Convention de Varsovie, qui avait été signée en 1929. Elle a été modifiée en 1963 afin d'autoriser le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre le Protocole de La Haye, qui modifiait et actualisait la Convention de Varsovie pour tenir compte des changements apportés aux prescriptions en matière de responsabilité au cours des 25 années qui avaient suivi sa signature.

Ce que nous cherchons à faire dans ce projet de loi, c'est ce que nous cherchions à faire en 1963, c'est-à-dire à faire certains ajouts à la Loi sur le transport aérien afin de renforcer les exigences documentaires et le régime de responsabilité du transporteur aérien.

Le Protocole de Montréal numéro 4 modifie le régime de responsabilité applicable aux marchandises en prévoyant un régime de responsabilité plus strict et en établissant des limites maximales. Il simplifie aussi la documentation requise pour le fret et autorise sa transmission par des moyens électroniques. La transmission des informations concernant la marchandise par des moyens autres que le connaissement aérien en plusieurs exemplaires peut permettre d'importantes économies aux transporteurs et aux expéditeurs.

[Français]

Il est très important pour le Canada d'adhérer sans tarder à ce protocole, qui est entré en vigueur le 30 juin 1998 après avoir été ratifié par le nombre minimum d'États, soit 30. Les États-Unis l'ont formellement ratifié à la fin de 1998 et l'ont mis en vigueur le 4 mars dernier.

Pour nos expéditeurs et nos transporteurs, cela signifie que tant et aussi longtemps que le Canada n'aura pas déposé ses propres documents de ratification pour l'entrée en vigueur du protocole au Canada, ces derniers seront désavantagés par rapport à leurs homologues américains sur le plan de la concurrence.

[Traduction]

La Convention de Guadalajara clarifie la relation entre les passagers et les expéditeurs, d'une part, et les transporteurs, d'autre part. Elle étend les règles du régime de responsabilité prévu dans la Convention de Varsovie au transporteur qui assure effectivement le transport quand il est différent du transporteur avec lequel le passager ou l'expéditeur a passé un contrat. C'est une convention qui est déjà en vigueur. Elle fait une distinction entre le transporteur contractuel et le transporteur assurant le transport pour son compte et établit la responsabilité de chacun. Les exigences de la Convention de Varsovie s'appliquent aux transporteur contractuel pour la totalité du transport et au transporteur de fait pour le transport qu'il effectue.

[Français]

Un demandeur peut intenter une action en justice contre l'un ou l'autre des transporteurs, mais l'ensemble des dommages est limité aux montants prescrits par le régime de Varsovie, sauf si le passager et le transporteur à contrat ont convenu d'un montant supérieur, auquel cas l'entente ainsi conclue n'a pas pour effet de lier le transporteur exploitant qui n'a pas accepté ce nouveau montant.

Ce partage de la responsabilité entre le transporteur à contrat et le transporteur exploitant, lorsqu'elle diffère, prend de plus en plus d'importance avec les alliances commerciales mondiales que réalisent les transporteurs internationaux, comme Air Canada et les Lignes aériennes Canadien International Limitée, pour le transport mutuel de leurs passagers.

Il y a également les cas où un transporteur partage son code de réservation avec un autre transporteur. Cette pratique, communément appelée partage des codes, permet aux transporteurs visés de vendre des services de transport à destination de tout point situé sur leurs réseaux respectifs et ce, qu'ils utilisent leurs propres aéronefs ou non. La formule s'applique également lorsqu'un transporteur confie à un autre transporteur, par contrat, l'exploitation d'un service en particulier, ou lorsqu'il vend une partie de la capacité de ses aéronefs à d'autres transporteurs aériens.

[Traduction]

À l'étape de l'examen en comité, le porte-parole de l'Association du transport aérien du Canada a donné des exemples de l'importance de cette convention pour les transporteurs canadiens.

Non seulement l'Association du transport aérien du Canada a dit aux membres du comité que le Protocole de Montréal numéro 4 et la Convention de Guadalajara bénéficient de l'appui unanime de l'industrie aéronautique et qu'elle souscrit au projet de loi S-23 sans réserve, mais elle nous a exhortés à adopter le projet de loi dans les plus brefs délais.

On a également dit aux membres du comité que les fonctionnaires fédéraux ont mené de vastes consultations et que les autres parties intéressées, outre les transporteurs, soit les fabricants, les expéditeurs, les organisateurs de voyages, les consommateurs et la profession libérale, souscrivent à l'adhésion du Canada à ces deux instruments internationaux.

[Français]

Voici donc en résumé, honorables sénateurs, ce que comporte le projet de loi S-23. Tout d'abord, le libellé de la Loi sur le transport aérien continuera d'être réparti entre six articles et sera plus clair du fait qu'il comprendra deux définitions, celles de «partie» et d'«agent», au tout début.

Deuxièmement, conformément à la pratique établie, le libellé sera du genre neutre. Par ailleurs, la formule à utiliser pour déterminer l'équivalent, en dollars canadiens, des francs ou droits de tirage spéciaux sera clarifiée.

[Traduction]

Quatrièmement, des renvois aux nouvelles annexes IV et V sont ajoutés, au besoin.

Cinquièmement, un article prévoyant le moment où la loi modifiée entrera en vigueur a été ajouté.

Enfin, le Protocole de Montréal numéro 4 et la Convention de Guadalajara figureront aux annexes IV et V.

[Français]

À noter également que lorsque le projet de loi aura été adopté et que le Canada aura déposé ses instruments de ratification auprès du gouvernement de la Pologne, dépositaire des documents se rapportant à la Convention de Varsovie, il se prévaudra du droit d'accorder une exemption à ses aéronefs militaires et d'État ainsi qu'à ceux qu'affrète le ministère de la Défense nationale, comme le permet la convention et comme nous l'avions fait par le passé.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je conclurai en rappelant que l'objet du projet de loi S-23 est à la fois pertinent et ne prête à aucune controverse. Il constituera un élément de clarté et de certitude, non seulement pour les transporteurs canadiens, mais également pour les transporteurs internationaux avec lesquels nous collaborons et rivalisons. Il devrait réduire les risques de litige et faire économiser temps et argent aux transporteurs et aux expéditeurs.

[Français]

Honorables sénateurs, il importe, selon moi, que nous procédions à l'adoption rapide de ce projet de loi. Plus nous tardons, plus nos transporteurs sont désavantagés sur le plan de la concurrence.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-65, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole à la deuxième lecture d'un projet de loi que je crois être de première importance pour notre pays et pour les Canadiens. Je suis sûr que le sénateur Bolduc et le sénateur Beaudoin, qui connaissent à fond le type de fédéralisme particulier que nous avons au Canada, s'y intéresseront particulièrement.

Le projet de loi propose de modifier la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cette loi traite d'un certain nombre de programmes fédéraux de transferts aux provinces comme la péréquation, la stabilisation, les paiements de garantie des recettes provinciales au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers et le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Chacun de ces programmes de transfert vise un objectif distinct.

[Français]

Grâce au programme de péréquation, toutes les provinces ont un niveau de recettes comparable pour fournir un niveau de services équivalent. Il y a, à l'heure actuelle, sept provinces qui reçoivent des paiements de péréquation.

Dans le cadre du programme de stabilisation, le gouvernement fédéral verse une contrepartie à chaque province dont les recettes enregistrent une baisse de plus de 5 p. 100 en raison de la conjoncture économique. Même les provinces dont la prospérité se situe au-dessus de la moyenne disposent ainsi d'un mécanisme de protection grâce à ce programme de stabilisation.

Troisièmement, le programme des paiements de garantie des recettes provinciales met les provinces à l'abri de baisses importantes de recettes d'impôt sur le revenu des particuliers lorsque ces baisses sont attribuables à une modification des politiques fédérales.

Enfin, quatrième disposition de ce projet de loi, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux fournit une aide à l'ensemble des provinces et des territoires dans les domaines de la santé, de l'enseignement postsecondaire, de l'aide sociale et des services sociaux.

[Traduction]

Le projet de loi dont nous sommes saisis propose de renouveler deux de ces programmes fédéraux - les paiements de garantie des recettes provinciales au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers et le Programme de péréquation - pour une période additionnelle de cinq ans chacun.

En vertu du programme de garantie des recettes, le gouvernement fédéral protège toutes les provinces contre une réduction importante des recettes tirées de l'impôt sur le revenu des particuliers qui pourrait résulter de modifications apportées à la politique fiscale fédérale. Une protection temporaire est assurée à toutes les provinces afin que leurs recettes fiscales ne soient pas changées rapidement et de façon importante par une modification de l'assiette fédérale de l'impôt sur le revenu. De cette façon, on évite que la planification financière des provinces soit gravement dérangée en raison de changements apportés par le gouvernement fédéral à l'impôt sur le revenu des particuliers.

[Français]

Toutefois, la plus grande partie des dispositions contenues dans le projet de loi se rapportent au programme de péréquation, considéré comme la pierre d'assise financière du fédéralisme canadien.

Je suis sûr que l'ancien leader du gouvernement en Chambre, le sénateur Murray, serait d'accord avec moi que ce Programme de péréquation - un programme de subside inconditionnel au budget des provinces - mis en place par M. St. Laurent a été révolutionnaire. Il l'a été encore davantage au cours des années qui ont suivi. Il a été enchâssé dans la Constitution en 1982. Le premier ministre, Jean Chrétien, l'a enrichi de plus de deux milliards de dollars dans son dernier budget.

Les paiements de péréquation du gouvernement fédéral sont calculés au moyen d'une formule énoncée par la loi et fondée sur la comparaison entre la capacité de chaque province de percevoir des recettes et une norme déterminée en fonction de la capacité moyenne de cinq provinces: le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique. Par rapport à la moyenne pondérée de ces cinq provinces prises comme étalon de comparaison, les provinces peuvent être admissibles à des subsides inconditionnels.

Cette formule s'applique à l'ensemble des provinces, qui sont assujetties à la même norme; si elles se situent sous cette norme, elles ont droit à des paiements de péréquation. Par contre, les provinces qui sont en mesure de percevoir des recettes supérieures à ces normes n'ont pas droit à des paiements de péréquation.

La formule en question est énoncée dans la législation fédérale.

[Traduction]

En vertu de cette formule, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique ne reçoivent actuellement pas de paiements de péréquation parce que leurs économies sont fortes et qu'elles peuvent donc se procurer les recettes fiscales dont elles ont besoin plus facilement que la moyenne. Les provinces qui touchent des paiements de péréquation sont toutes portées au même niveau. Chacune d'elles reçoit un paiement par habitant et, donc, un paiement global différent parce que comme elles sont toutes à des niveaux différents, elles n'ont pas toutes besoin de la même aide pour atteindre le même niveau.

Au cours des cinq prochaines années, on prévoit que les paiements seront de 5 milliards de dollars supérieurs à ceux des cinq dernières années, compte tenu de décaissements accrus au titre d'améliorations techniques d'une valeur estimative de 700 millions de dollars qui seront apportées au cours de cette période. Le budget du mois dernier a montré que les paiements seront plus élevés cette année. Ils devraient atteindre 10,7 milliards de dollars, en hausse de 2,2 milliards de dollars par rapport aux prévisions budgétaires de 1998. De cette somme, les provinces ont déjà reçu 600 millions de dollars, et elles toucheront la somme de 1,6 milliard qui reste d'ici quelques jours.

Il s'agit d'une contribution supplémentaire importante visant à garantir que les sept provinces qui touchent de la péréquation - soit Terre-neuve, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan - disposent, toutes proportions gardées, de ressources égales.

[Français]

Depuis l'instauration du Programme de péréquation en 1957, la formule prévue par la loi a fait l'objet d'un examen fédéral-provincial et d'un renouvellement par le gouvernement fédéral au moins une fois tous les cinq ans.

Ce processus comporte des consultations approfondies auprès des provinces, suivies de l'adoption de mesures législatives par le Parlement du Canada. Les consultations ont toujours demandé beaucoup de temps et une grande attention de la part du gouvernement fédéral et des provinces.

Le processus législatif relève strictement du gouvernement fédéral, étant donné que la péréquation est un programme fédéral, et non un programme conjoint. Il s'agit d'un programme fédéral de transfert de recettes aux provinces, et les transferts ne sont assortis d'aucune condition, c'est un subside inconditionnel.

Si M. Bouchard veut s'en servir pour aller en Catalogne, au lieu de faire des programmes de développement en Gaspésie, nous devons tous en écoper. Le sourire entendu de mon collègue, le sénateur Bolduc, en dit long sur ce qu'il pense de cette façon d'utiliser les fonds publics pour ouvrir des pseudo-ambassades à l'étranger au lieu de s'occuper du développement économique du Québec.

Le dernier exercice de renouvellement n'a pas fait exception. Les ministres et les représentant des gouvernements fédéral et provinciaux se sont réunis régulièrement au cours d'une période s'étendant sur 27 mois. Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est le fruit de leurs travaux.

[Traduction]

Au cours de ces 27 mois, de nombreuses priorités qui avaient été établies conjointement par les fonctionnaires fédéraux et provinciaux ont été étudiées. Certaines d'entre elles avaient aussi été mentionnées par le vérificateur général dans son rapport de 1997 sur le Programme de péréquation. Trois de ces priorités étaient l'assiette de la taxe de vente et les recettes tirées des jeux de hasard et des droits d'utilisation.

D'autres domaines prioritaires ont été examinés de près en raison de leur complexité. Ce sont l'assiette de l'impôt foncier et la mesure du potentiel fiscal des ressources naturelles. Les paramètres du Programme de péréquation - le plafond, la norme et le seuil - ont également été étudiés à fond.

Lorsque les consultations ont pris fin, les gouvernements fédéral et provinciaux ont travaillé ensemble à établir les domaines prioritaires et les améliorations à apporter dans le cadre de ce renouvellement. Certains domaines requièrent toutefois une analyse et des discussions plus poussées. Le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux ont convenu de continuer de faire ces analyses et de discuter.

[Français]

Dans l'ensemble, le gouvernement fédéral et les provinces s'entendent sur le fait que les mesures législatives que nous étudions aujourd'hui constituent une autre étape servant à améliorer le Programme de péréquation.

J'aimerais maintenant vous entretenir de certains de ces changements. Je dirai d'abord quelques mots sur l'assiette de la taxe de vente. Le gouvernement fédéral envisage d'adopter une assiette conforme à la fois au régime de taxe de vente au détail et au régime de taxe sur la valeur ajoutée, qui sont plus récents. Le gouvernement a également proposé de modifier le mode de mesure du potentiel fiscal associé aux jeux de hasard. La méthode de mesure en vigueur est fondée uniquement sur les ventes de billets de loterie dans une province donnée. Or des changements importants ont eu lieu au fil des ans dans le domaine des loteries et des jeux de hasard. Le gouvernement propose de prendre en compte toutes les formes de jeux de hasard. Ce changement permettra un calcul plus précis des paiements de péréquation.

[Traduction]

La troisième priorité vise les frais d'utilisation. Le vérificateur général a recommandé que l'on revoie le recours aux frais d'utilisation dans le cadre du Programme de péréquation. Le gouvernement fédéral a accepté de revoir toute la question avec les provinces dans le cadre du processus de reconduction du Programme de péréquation.

L'étude a soulevé de nombreux arguments tant positifs que négatifs, se penchant également sur la source des revenus dans le Programme de péréquation. Le gouvernement fédéral propose d'inclure seulement la moitié des recettes tirées des frais d'utilisation.

Les ressources naturelles, qui sont un autre sujet sur lequel le vérificateur général s'est penché, ont reçu beaucoup d'attention au cours des discussions sur le processus de reconduction. Parmi les changements proposés aux ressources fondamentales, on a prévu l'adoption d'une rente économique pour les bases des recettes provenant des mines et de minéraux et l'utilisation des pratiques en cours pour la base des recettes tirées du pétrole en divisant la production pétrolière en diverses catégories imposables, par exemple, le pétrole lourd, le pétrole léger et le pétrole de troisième volet, qui tiennent compte des catégories provinciales d'imposition - deux nouvelles catégories sont ainsi ajoutées à l'heure actuelle pour tenir compte des pratiques provinciales - et, en ce qui a trait à la base des recettes tirées de l'industrie forestière, la valeur de la production remplacera le volume du bois exploité, les calculs devant tenir compte des différences au niveau des prix des divers types de bois.

[Français]

Le projet de loi propose également des améliorations aux dispositions concernant le plafonnement et le plancher du Programme de péréquation.

La disposition de plafonnement prévoit, pour le gouvernement fédéral, une protection contre des augmentations imprévues des paiements de péréquation. Autrement dit, elle les empêche de devenir excessifs à cause de changements des circonstances économiques.

Le nouveau plafond sera fixé à 10 milliards de dollars en 1999-2000 et augmentera par la suite selon l'évolution du pourcentage du produit national brut. Cela fera en sorte que le programme demeure abordable et viable pendant la période de renouvellement de cinq ans.

L'autre disposition est celle du plancher du Programme de péréquation. Elle prévoit, pour les gouvernement provinciaux, une protection contre des réductions importantes et soudaines des paiements.

Le nouveau plancher s'appliquera de façon égale à toutes les provinces qui ont droit aux paiements et réduira les fluctuations pouvant résulter de l'application de la formule de péréquation pendant une période de changements économiques. Cela signifie une protection qui sera plus prévisible pour les gouvernements provinciaux.

[Traduction]

Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, ce projet de loi contient des éléments importants et il s'appuie sur bon nombre d'analyses et de discussions. Les modifications proposées au Programme de péréquation ne doivent pas être prises à la légère et elles ne doivent être adoptées que si elles permettent d'améliorer le programme actuel.

Il n'est pas facile d'améliorer ce programme parce qu'il est déjà bien conçu, mais le gouvernement fédéral et les provinces essaient néanmoins de le faire parce que c'est très important. C'est important parce que la péréquation contribue au bien-être de bon nombre de Canadiens et à l'établissement d'un certain équilibre entre tous.

J'aimerais ajouter, honorables sénateurs, que cet amendement est l'un des rares amendements importants à avoir été apporté à la Loi constitutionnelle de 1982, qui a fait du Programme de péréquation une obligation du gouvernement fédéral. Dans ce contexte, il est essentiel que nous reconduisions le Programme de péréquation pour les cinq prochaines années.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je commente, au nom de l'opposition au Sénat, le projet de loi C-65, qui prolonge le Programme de péréquation de cinq ans.

La dernière fois qu'on nous a demandé de reconduire ce programme, notre collègue le sénateur Tkachuk a dit, tel que consigné à la page 224 du hansard du 17 mars 1994:

Le parti progressiste-conservateur estime que le Programme de péréquation est l'une des pierres angulaires du fédéralisme fiscal. Il est vital pour notre union économique.

C'était et c'est toujours la position du Parti progressiste-conservateur. Le sénateur Tkachuk avait ensuite décrit ce que nous reprochons de l'approche du Parti réformiste, qui éliminerait quasiment les paiements de péréquation aux provinces comme la Saskatchewan. Nous demeurons opposés à cette politique qui consiste à diviser pour mieux régner - à dresser les unes contre les autres les régions et les provinces, et les francophones contre les anglophones.

Honorables sénateurs, la péréquation n'est pas seulement la pierre angulaire de la confédération, c'est également une exigence énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1982 qui précise ceci:

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Même si mon parti est en faveur de la péréquation, cela ne veut pas dire que nous trouvions que le projet de loi est parfait. Il y a certainement encore place pour de l'amélioration tant dans le projet de loi que dans la façon dont le gouvernement a l'intention de structurer, par voie de règlement, la formule de la péréquation telle que définie dans le projet de loi.

J'aimerais attirer l'attention du Sénat sur trois questions soulevées par les provinces. La première concerne la méthode utilisée par Ottawa pour calculer les paiements de péréquation auxquels les provinces ont droit. À l'heure actuelle, seules les cinq provinces du milieu sont incluses dans le calcul de la capacité nationale moyenne de générer des recettes. Certaines provinces, dont par exemple le Nouveau-Brunswick et le Québec, maintiennent que les dix provinces devraient entrer en ligne de compte.

La deuxième question concerne une préoccupation précise qu'a soulevée le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Le Programme de péréquation repose en partie sur la différence entre la capacité d'une province de produire ses propres recettes et une moyenne nationale par habitant. Ainsi, si une province perd des habitants, elle perd de l'argent. Le gouvernement de Terre-Neuve a proposé une sorte de mécanisme pour faire en sorte que, lorsqu'une province perd des habitants, elle ne perde pas immédiatement ses fonds de péréquation.

Par exemple, si un recensement montrait que la population a diminué, on pourrait se servir des résultats du recensement précédent. Cela pourrait revêtir la forme d'un mécanisme plancher prévu dans la loi ou d'un fonds spécial. On me dit que la plupart des provinces sont disposées à accepter cette proposition, pourvu qu'on ait recours à un fonds spécial. Terre-Neuve et le Labrador se réjouiraient qu'on règle la question au moyen d'un fonds de base ou d'un fonds spécial, pourvu qu'elle soit réglée.

La décision d'ajouter les recettes provenant des jeux de hasard à la formule illustre un autre problème. Des provinces comme le Manitoba et la Nouvelle-Écosse ont construit des casinos en présumant que les avantages tirés des profits et des emplois compenseront les coûts sociaux. La péréquation récupérera désormais une partie de ces profits. Ces avantages sont réduits, mais les coûts demeurent aussi élevés que jamais. Je me rends bien compte qu'à l'échelle du pays, les modifications proposées dans ce projet de loi auront pour effet d'augmenter les paiements de 242 millions de dollars par an. Cependant, dans ma province de l'Alberta, à cause des nouvelles règles sur les jeux de hasard et les frais d'utilisation, nous perdrons 37 millions de dollars.

Un autre exemple est la façon dont Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse sont pénalisées par les projets de forage pétrolier en mer. Le gouvernement a opposé un refus à Terre-Neuve, qui demandait des modifications importantes à la manière dont la formule traite le pétrole en mer. À la place, il n'apporte que des changements mineurs. Terre-Neuve soutient qu'elle ne devrait pas être pénalisée par une réduction de ses paiements juste au moment où elle commence à se relever. Son argument est peut-être solide.

Honorables sénateurs, les modifications proposées dans ce projet de loi s'étendent sur une période de cinq ans. Cinq années sont vite passées quand on parle du développement durable d'une économie régionale. Nous devrions peut-être envisager une période plus longue pour mettre en oeuvre ces modifications.

Il est regrettable que le gouvernement nous presse d'étudier ce projet de loi, parce qu'il traite de questions qu'il faudrait examiner de plus près. Comme c'est trop souvent le cas, le gouvernement nous exhorte à adopter à toute vapeur un projet de loi parce que, encore une fois, il a du mal à gérer son programme.

Je crois savoir que le ministre des Finances témoignera au comité jeudi. J'espère que certaines des questions que nous avons soulevées aujourd'hui recevront une réponse. Je le souhaite, car j'aimerais beaucoup penser que, lorsqu'une province comme Terre-Neuve exploite enfin ses riches ressources, elle ne sera pas pénalisée. Il faut tenir compte de l'évolution et ménager une période d'adaptation.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais veiller à ce qu'on fasse parvenir au ministre des Finances le texte du sénateur Stratton le plus tôt possible, afin qu'il puisse aborder ces questions dans sa déclaration liminaire.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Thelma J. Chalifoux propose: Que le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour commenter le projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Le projet de loi ratifie un accord-cadre qui conférera aux 14 Premières nations le pouvoir de gérer leurs terres au niveau local et d'adopter des textes législatifs concernant la mise en valeur, la conservation, la protection, la gestion, l'utilisation et la possession de leurs terres. L'accord-cadre et le projet de loi donnent à ces 14 nations la possibilité de gérer elles-mêmes les terres et les ressources de leurs réserves.

Ainsi, les autochtones peuvent lancer des projets sans demander l'autorisation préalable de la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ils auront toute la souplesse voulue pour réagir rapidement lorsque des débouchés s'offriront à eux ou que des partenaires potentiels les approcheront. Les Premières nations pourront s'employer à créer des emplois et à promouvoir l'essor économique de leurs localités.

Honorables sénateurs, cet accord-cadre vient appuyer les efforts que déploie le Canada pour accroître l'autonomie des collectivités autochtones. Nous travaillons en partenariat avec les autochtones pour veiller à ce qu'ils aient les compétences et le savoir nécessaires pour façonner leurs propres solutions. Le projet de loi C-49 est une mesure importante qui s'inscrit dans cette dynamique et qui vient compléter les grands objectifs que le gouvernement a décrits il y a près d'un an quand il a annoncé son plan d'action pour les autochtones, «Rassembler nos forces». Selon ce plan d'action, les priorités du Canada consistent à renouveler les partenariats avec les autochtones, à renforcer les systèmes de gouvernement, à concevoir une nouvelle relation financière et à investir dans les communautés, dans les gens et dans les économies. L'accord-cadre et le projet de loi sont des outils qui nous permettront d'atteindre chacun de ces objectifs.

Le projet de loi servira de point de départ pour le renouvellement des partenariats à tous les niveaux. Aux termes de la mesure législative, les Premières nations pourront conclure des ententes de services avec leurs voisins relativement à des questions comme l'eau, les services d'égout, les écoles, les routes, et cetera, sans avoir à soumettre les accords à l'approbation finale de la ministre. Certains de ces partenariats existent déjà. Dans un cas, une Première nation a déjà consenti un prêt à une administration municipale voisine afin de l'aider à terminer des travaux d'adduction d'eau. Ce genre de collaboration profite aux deux gouvernements. Nous espérons que de nombreux autres partenariats verront le jour grâce à cette mesure législative.

Le projet de loi C-49 crée également de nouveaux partenariats entre 14 Premières nations. Les collectivités ont convenu de continuer de travailler dans un esprit de collaboration, même après la ratification de l'accord-cadre. Elles continueront de coordonner leurs activités par l'intermédiaire d'un conseil consultatif sur les terres qu'elles mettront sur pied pour les aider à élaborer un code foncier, à négocier des accords spécifiques, à préparer des textes législatifs types et à surveiller tout le processus. Le conseil consultatif est un outil qui permettra aux Premières nations d'accroître la collaboration entre elles et la productivité dans leurs collectivités. C'est la voie qui mène à l'autosuffisance. C'est la voie qui mène à l'autonomie gouvernementale, honorables sénateurs.

Cela m'amène au second objectif du plan d'action «Rassembler nos forces», à savoir renforcer les systèmes de gouvernement. Le nouveau régime offre aux Premières nations l'occasion d'acquérir de l'expérience et un savoir-faire dans un large éventail de domaines et de se préparer à adopter à l'avenir une approche plus globale à l'égard de l'autonomie gouvernementale. Les Premières nations auront la maîtrise des baux, des permis et de tout autre intérêt pour leurs terres. Elles auront le pouvoir de promulguer des lois et d'établir des formalités d'exécution, dont nommer des juges de paix. Elles auront la capacité juridique de traiter directement avec des banques pour emprunter, contracter, liquider et investir.

Elles auront le pouvoir de conclure des ententes de cogestion avec d'autres gouvernements en vue de mettre au point des systèmes intégrés d'exploitation et de cogestion des terres et des ressources. Elles garderont et géreront les recettes tirées des opérations immobilières dont elles rendront compte à leurs membres.

Pour la première fois, elles seront tenues d'établir des régimes officiels d'évaluation et de protection environnementales. Ces régimes seront harmonisés aux régimes environnementaux fédéraux et aux régimes en vigueur dans la province intéressée. Les normes et peines environnementales seront au moins aussi efficaces que celles de la province où se trouve la Première nation.

Les provinces seront invitées à participer à la planification et, en tant que parties, à la négociation des ententes de subvention environnementale. C'est ainsi que l'accord-cadre constitue un pas en avant dans la promotion du développement économique durable du Canada.

Tous ces éléments seront précisés dans le code foncier que les collectivités vont mettre au point et ratifier. Celles-ci pourront améliorer leur expérience et leur savoir-faire, lesquels pourront servir plus tard à des initiatives plus globales d'autonomie gouvernementale.

Cela m'amène au troisième objectif du plan d'action «Rassembler nos forces». Honorables sénateurs, en créant une nouvelle relation financière avec les Premières nations, l'accord-cadre oblige les Premières nations à une forte responsabilité financière et régionale. Conformément à l'accord, les Premières nations doivent mettre au point un code foncier établissant les règles et méthodes fondamentales qui régiront les terres et l'intérêt dans les terres et les ressources une fois que les dispositions foncières de la Loi sur les Indiens cesseront de s'appliquer.

Dans le cadre de son option de non-participation, la collectivité doit adopter les dispositions du code foncier. Ces mesures assurent dès le départ la participation de la collectivité et son approbation du processus. Tous les membres des Premières nations âgés d'au moins 18 ans, qu'ils vivent ou non dans les réserves, auront droit de voter dans le cadre du processus d'approbation communautaire. Au moins 25 p. 100 de tous les électeurs admissibles devront approuver les codes fonciers et les accords individuels pour qu'ils deviennent valides. Ainsi, les Premières nations peuvent être sûres que leurs membres sont bien au courant de tous les aspects du processus d'adhésion et de l'administration subséquente des terres et de l'argent. Autrement dit, il s'agit là d'un processus d'imputabilité conçu selon des normes élevées.

Pour souligner le niveau élevé d'imputabilité que les Premières nations attendent de la ratification des codes fonciers, honorables sénateurs, le projet de loi prévoit que chaque Première nation et le ministre nommeront conjointement un vérificateur pour confirmer que le code foncier proposé et le processus d'approbation communautaire respectent les termes du projet de loi et de l'accord. Le vérificateur déterminera également si le code foncier et les accords individuels ont été approuvés dans le cadre du processus confirmé. Dès l'entrée en vigueur du code foncier, les recettes autres que celles qui proviennent de l'exploitation des gisements de pétrole et de gaz naturel seront recueillies et gérées par les Premières nations. Les codes fonciers prévoient des mécanismes d'imputabilité précis pour assurer la responsabilité financière à tous les membres.

Enfin, honorables sénateurs, ce projet de loi aide le gouvernement à atteindre son objectif de création de communautés des Premières nations viables et indépendantes du point de vue économique. Quand des décisions pourront être prises au niveau local, sans participation ministérielle, les Premières nations pourront réagir plus rapidement pour profiter des occasions économiques. Elles pourront faire le nécessaire pour stimuler la croissance économique sans avoir à passer par Ottawa toutes les fois qu'une occasion se présente. Les avantages seront répartis entre toutes les collectivités environnantes, qui profiteront ainsi des retombées économiques.

Ce projet de loi ne fera que des gagnants. Les Premières nations y gagneront en exerçant un plus grand contrôle sur leurs terres et leurs ressources. Les membres des Premières nations en profiteront grâce aux ponts qui seront jetés entre leur conseil et eux par les mécanismes d'obligation de rendre compte. D'autres Premières nations profiteront du fait de pouvoir étudier les effets sur les 14 signataires et se servir de l'accord-cadre comme modèle pour de futures ententes sur l'autonomie gouvernementale. Le gouvernement fédéral y gagnera en n'ayant plus à administrer certains articles de la Loi sur les Indiens pour ces 14 Premières nations. Il pourra réduire sa participation aux décisions de gestion et aux activités au jour le jour de ces Premières nations. Les municipalités environnantes et les provinces touchées profiteront des retombées économiques, à mesure que les projets de gestion des ressources et des terres seront mis en oeuvre.

Honorables sénateurs, il y a une autre question dont je voudrais parler, à savoir la répartition des biens matrimoniaux en cas de séparation. Cette question sera réglée par les Premières nations signataires. Les collectivités décideront. Elles veulent avoir le pouvoir de trouver des solutions qui répondront aux besoins et aux intérêts de leurs membres.

Les Premières nations signataires ont réglé la question des droits de propriété matrimoniaux dans l'accord-cadre et le projet de loi dont nous sommes saisis. En vertu du projet de loi C-49 et de l'accord-cadre, les Premières nations signataires doivent établir un processus communautaire pour l'élaboration de règles et de procédures dans les 12 mois de l'entrée en vigueur du code foncier. Un processus d'arbitrage a été institué pour veiller au respect de ce délai. Les règles et les procédures ne peuvent faire de discrimination fondée sur le sexe.

Cependant, il y a une question plus globale qui va au-delà des 14 Premières nations ayant ratifié l'Accord-cadre et qui touche toutes les Premières nations. Que peut-on faire pour combler le vide actuel en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux dans la Loi sur les Indiens? La ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est déterminée à trouver le moyen de combler ce vide dans la Loi sur les Indiens. La ministre a annoncé l'établissement d'une enquête indépendante à laquelle participeront des partenaires autochtones et qui permettra d'examiner le partage des biens matrimoniaux dans les réserves, pour les autres groupes des Premières nations.

Actuellement, le ministère consulte les partenaires autochtones sur le processus proposé, sur le mandat à établir et sur les candidats au poste d'enquêteur.

Honorables sénateurs, les 14 Premières nations qui ont proposé l'accord-cadre leur permettant de se soustraire aux dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à la gestion des terres ont montré qu'elles étaient parfaitement capables d'établir un système qui soit juste et qui aide les collectivités à résoudre elles-mêmes leurs problèmes. La question du foyer conjugal est un exemple qui témoigne bien de la valeur du processus.

L'accord-cadre a été modifié. Le projet de loi dont nous sommes saisis reflète ces modifications. Le moment est maintenant venu de laisser ces groupes relever le défi qui consiste à mettre en oeuvre le régime qu'ils ont créé.

En conclusion, je veux parler des 14 Premières nations qui sont signataires de l'accord final. Ce sont des chefs de file dans l'administration des terres et ce projet de loi a été proposé à leur demande. Malgré leur impatience à s'atteler à la tâche de gérer eux-mêmes leurs terres, elles ont attendu patiemment le projet de loi. Elles ont travaillé en coopération et en partenariat entre elles, mais aussi avec le gouvernement fédéral, les provinces et les autres tiers visés.

Honorables sénateurs, le projet de loi concerne bien plus que la gestion des terres. Il traite de l'autonomie, des perspectives économiques, des nouvelles relations que nous sommes en train d'établir avec les autochtones, des relations fondées sur la reconnaissance et le respect mutuels, la responsabilité et le partage.

Je suis heureuse de proposer aujourd'hui le renvoi du projet de loi C-49 au comité sénatorial permanent des affaires autochtones afin que celui-ci l'examine en profondeur.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, avant que je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Ghitter, le sénateur Chalifoux accepterait-elle de répondre à quelques questions?

Le sénateur Chalifoux: Certainement.

Le sénateur Kinsella: Des membres des Premières nations de tout le Canada ont exprimé différentes préoccupations au sujet du projet de loi. Il serait peut-être utile que l'honorable sénateur clarifie dès le début de notre débat si le projet de loi ne touche vraiment que les 14 Premières nations qui ont signé l'accord cadre.

Le sénateur Chalifoux: Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Kinsella: Une autre question soulevée m'intéresse beaucoup parce que l'une des Premières nations mentionnées à l'annexe est celle de Saint Mary's, qui se trouve dans ma province et aussi dans ma ville, Fredericton. La collectivité est très enthousiaste devant le nouveau régime d'autonomie administrative.

Saint Mary's fait partie de la nation malécite. Des questions ont été soulevées, tout particulièrement au sujet de la rupture des mariages. J'ai rencontré beaucoup de membres des Premières nations de ma province et les questions ne proviennent pas des collectivités touchées, mais des autochtones qui vivent en dehors de ces collectivités.

Quelles assurances pouvez-vous donner pour calmer les craintes suscitées par cet article sur les règles applicables aux séparations? Par exemple, la Charte canadienne des droits et libertés s'appliquera-t-elle à ces cas?

Le sénateur Chalifoux: En ce moment, la Loi sur les Indiens ne dit rien sur le divorce et la séparation ni sur la division des biens matrimoniaux. Elle ne dit absolument rien. J'ai l'impression que la loi suscitera un débat. D'après ce que j'ai lu et appris, et aussi d'après ce qu'a dit la ministre, le projet de loi donnera aux personnes touchées l'occasion d'aborder tous les aspects qu'elles désirent dans le débat. Les gens peuvent nous dire ce qu'ils ressentent.

Il y a là une excellente occasion à saisir. Nous assistons à l'établissement d'un cadre de référence fondamental qui permettra de régler des questions qui n'ont encore jamais été abordées.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Ghitter, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la sanction royale

Deuxième lecture-ajournement du débat

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-26, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement, soit lu une deuxième fois.

Recours au Règlement

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement relativement à ce projet de loi. C'est le moment opportun pour le faire, étant donné que c'est la première occasion qui s'offre à moi depuis la première lecture du projet de loi. Je me demande si le projet de loi est irrecevable parce qu'il va à l'encontre du paragraphe 63(1) du Règlement. Je m'explique.

En lisant le nouveau projet de loi S-26, qui, en fait, vient remplacer le projet de loi S-15 présenté plus tôt, j'ai constaté qu'il ne semblait y avoir rien de nouveau ou de différent dans le nouveau projet de loi par rapport à l'ancien. Selon moi, les deux sont essentiellement identiques.

Le paragraphe 63(1) du Règlement dit ceci:

Aucune motion ne doit reprendre une question déjà résolue, affirmativement ou négativement, au cours d'une même session, à moins que l'ordre, la résolution ou autre décision s'y rapportant n'ait été abrogé selon les dispositions suivantes.

Le fondement de cette disposition du Règlement se trouve dans la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition. Le commentaire 558(1) dit ceci:

Décisions de la Chambre

Comme le veut une règle ancienne du Parlement: «Une question, une fois posée et tranchée soit affirmativement, soit négativement, ne peut être mise sur le tapis, mais elle doit subsister comme décision rendue par la Chambre.» Sans cette règle...

Honorables sénateurs, nous savons que cette règle existe au Sénat.

... il pourrait arriver que le temps de la Chambre soit employé à débattre une motion essentiellement identique et que des décisions contradictoires soient prises au cours d'une même session.

Beauchesne semble dire que, lorsque la Chambre est saisie d'une motion ou d'une résolution, il y a deux questions importantes relativement au temps de la Chambre, soit l'emploi du temps de la Chambre et la possibilité que des décisions contradictoires soient prises.

Les sénateurs se souviendront que ce projet de loi a une histoire intéressante. Il a été présenté par le sénateur Lynch-Staunton. Je vous renvoie aux Journaux du Sénat du jeudi 11 mars 1999, à la page xv. Le projet de loi S-15 y est défini exactement de la même façon que le projet de loi S-26:

Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement...

Ce projet de loi a été déposé pour la première fois le 4 avril 1998. Il a ensuite été débattu à l'étape de la deuxième lecture le 6 juin, puis renvoyé au comité. Le comité avait l'été pour faire rapport du projet de loi et, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a dit, certains amendements ont été proposés.

Au cours de l'été, j'ai préparé certains amendements moi aussi mais, avant même que j'aie la chance de proposer ces amendements, le projet de loi a été retiré le 8 décembre 1998.

(1550)

Il me semble, honorables sénateurs, que ce retrait équivaut à une négation de droits. Pourquoi? Parce que pour retirer le projet de loi S-15, il a demandé ma permission, à la demande expresse du Président. À ce moment-là, nous avions franchi les première et deuxième étapes de la lecture du projet de loi. Je m'apprêtais à proposer des amendements, comme l'honorable sénateur le sait. Au lieu de laisser le projet de loi suivre son cours normal à ce moment-là, le sénateur a choisi, avec ma permission, de le retirer.

S'agissait-il là dans les faits d'une décision négative? Comme je l'ai dit, selon le Beauchesne, des projets de loi ne devraient pas être présentés au cours de la même session afin d'économiser le temps du Sénat. Ils ne devraient pas être présentés simultanément non plus parce qu'il pourrait y avoir des résultats contradictoires. J'estime qu'en présentant de nouveau en substance le même projet de loi pendant la présente session, on abuse du Sénat.

Honorables sénateurs, je m'explique. Tout sénateur pourrait présenter un projet de loi, sonder le terrain, faire en sorte qu'il soit étudié en comité, où il pourrait y avoir un long débat, puis le retirer parce qu'il n'est pas satisfait ou qu'il ne veut pas prendre la décision de résoudre la question. En pareilles circonstances, je crois que nous ne souhaitons pas encourager une pratique qui réduit de façon inappropriée le temps précieux du Sénat.

Le sénateur Lynch-Staunton sait que lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, je présenterai alors mes projets de loi en deuxième lecture. Dans les faits, les sénateurs consacreront du temps aux premières et deuxièmes lectures et au renvoi au comité. Il sait que je présenterai des amendements, qui ne seront pas beaucoup remaniés. Entre-temps, nous n'aurons fait que perdre le temps du public. Je crois qu'il s'agit ici de déterminer si nous devons encourager ou non ce genre de pratique.

Le geste posé par l'honorable sénateur revient à usurper un droit de la Chambre, et ce projet de loi devrait être jugé irrecevable.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de présenter de nouveau le même sujet, et non pas le même projet de loi, j'ai pensé qu'il pourrait y avoir un recours au Règlement formulé dans les termes auxquels faisait référence le sénateur Grafstein. Toutefois, la question fondamentale sur laquelle le Président doit se prononcer est de savoir s'il y a eu ou non mise aux voix. Dans ce cas-ci, il n'y a pas eu mise aux voix. Il s'agissait de retirer le projet de loi sans que la Chambre ne se soit prononcée sur le sujet, d'une façon ou de l'autre. Cela a été fait avec le consentement de la Chambre, qui savait par ailleurs que le projet de loi était retiré afin de pouvoir être de nouveau présenté, et je crois avoir précisé à ce moment que ce serait en février. La Chambre savait que le projet de loi serait de nouveau présenté.

Il n'y a pas de motifs obscurs. Comme je l'ai alors expliqué à la Chambre, l'étude du projet de loi n'avançait pas et j'ai cru qu'il serait préférable de tout reprendre à neuf. À défaut d'une décision à ce moment, j'ai pensé que nous pourrions étudier le sujet plus rapidement et parvenir à une solution.

Votre Honneur, le rappel au Règlement ne me semble pas justifié puisqu'il n'y a jamais eu de mise aux voix.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Grafstein fait un rappel au Règlement fort intéressant. Il a attiré notre attention sur l'emploi judicieux du temps de la Chambre, ce qui est effectivement très important. J'adhère à ce principe.

Par ailleurs, les travaux de la Chambre portent essentiellement sur les mesures législatives et l'essentiel, et nous devons user de nos procédures de manière à élaborer la meilleure mesure législative qui soit. Le retrait d'une motion, quand bien même s'agirait-il d'une motion proposant un projet de loi, est parfaitement reconnu. À la page 185 de Beauchesne, sixième édition, il est question du retrait des motions et des amendements.

Je demande aux honorables sénateurs de réfléchir un moment à la situation en présence. Nous pouvons recourir à la technique du retrait d'une motion en vue d'améliorer encore une mesure législative dont nous sommes saisis. Voilà pourquoi le retrait d'une motion doit être considéré comme un recul pour mieux revenir, ce qui est le cas ici. Il y eu entente à la Chambre, parce qu'une telle entente était nécessaire, pour que le sénateur Lynch-Staunton retire sa mesure. Elle a été retirée, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a précisé, sans que son principe n'en soit altéré. C'est précisément le but visé par son retrait, on a préféré ne pas la laisser courir jusqu'à son rejet. Si elle avait été rejetée, elle aurait pu ne jamais être introduite au cours de cette législature.

C'est la règle voulant que l'on ne fasse pas perdre son temps à la Chambre, par exemple lorsque la Chambre a délibéré et a pris une décision. Quand une motion est retirée, il n'y a pas de décision à prendre. Aucune décision n'est donc prise. En fait, c'est une façon appropriée de faire en sorte que soit présentée une mesure plus satisfaisante sur laquelle il sera possible de se prononcer.

Honorables sénateurs, il me semble que nous nous ferions du tort en nous ôtant la capacité de retirer une motion pour permettre la présentation d'une motion plus satisfaisante sur laquelle il sera enfin possible de se prononcer. À mon avis, aucune décision n'a été prise à ce sujet. Personne ne s'est dit contre. Nous traitons donc précisément de la question du retrait. À mon avis, le retrait n'empêche pas la présentation d'un projet de loi plus satisfaisant. C'est ce qui se passe dans ce cas et on ne devrait pas s'interposer.

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je suis fondamentalement d'accord sur la proposition du sénateur Kinsella, mais pas sur sa conclusion. Ce qu'il a dit - et j'utilise ses propres termes - c'est que c'est une meilleure mesure législative, une mesure législative améliorée. Si c'est le cas, mon objection tombe à l'eau. Toutefois, je dis que ce projet de loi est substantiellement le même.

Si le projet de loi est le même en substance, quelle est la règle à cet égard? L'esprit de la règle est tel que l'indique Beauchesne:

... il pourrait arriver que le temps de la Chambre soit employé à débattre une motion essentiellement identique...

En fait, si le sénateur Kinsella a raison, ce qui serait une découverte pour vous, Votre Honneur, et si le projet de loi est une mesure législative améliorée ou substantiellement différente, mon argument ne vaut plus. Toutefois, si vous constatez que la question a été résolue en substance, il ne doit pas y avoir de motion identique en substance à une question déjà soulevée au cours d'une même session.

Si Son Honneur constate que la question est la même en substance qu'une autre question traitée au cours de la même session, je pense que l'esprit de la règle laisse supposer que le sénateur Lynch-Staunton devrait décompresser et revenir à une session ultérieure avec une mesure législative peut-être améliorée. Nous pourrions alors reprendre au début.

Le sénateur Kinsella: Le Règlement établit en toutes lettres:

Aucune motion ne doit reprendre une question déjà résolue, affirmativement ou négativement, au cours d'une même session...

Cependant, le point central de l'affaire, c'est que la motion a été retirée afin que nous ne prenions pas de décision affirmative ou négative.

(1600)

Il me semble que c'est là la différence précise; c'est la clé qui nous permet de retirer des propositions lorsque aucune décision affirmative ou négative n'a été prise. Autrement, nous nous exaspérons en essayant de présenter le type de mesures que les honorables sénateurs veulent étudier directement.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres honorables sénateurs qui souhaitent intervenir à ce sujet? Dans la négative, je suis prêt à rendre ma décision.

Décision du Président

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs ne seront pas surpris du fait que j'ai prévu qu'une question serait soulevée à ce sujet. Dès que j'ai vu que le projet de loi était à nouveau au Feuilleton, je me suis demandé s'il était recevable ou pas. Je me suis reporté à notre propre Règlement. Le paragraphe 63(1) est très clair à ce sujet. On y lit:

[...] une question déjà résolue, affirmativement ou négativement, [...]

Cela ne s'est pas produit, bien entendu. Le projet de loi a été plutôt retiré.

Je m'en suis remis ensuite à Erskine May, qui dit clairement:

[...] mais lorsqu'un projet de loi est retiré après que son examen a fait quelque progrès, un autre projet de loi visant les mêmes objets peut être examiné.

En fonction de cela, le projet de loi a été retiré avec le consentement du Sénat. Il n'a pas été examiné. Je juge donc que le projet de loi est recevable.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Les honorables sénateurs se rappellent sûrement qu'un projet de loi semblable au projet de loi S-26 a été retiré tard l'année dernière. Le projet de loi S-26 ne vient pas simplement le remplacer mais, on peut l'espérer, l'améliorer. Durant les audiences du comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le précédent projet de loi, le projet de loi S-15, a fait l'objet d'amendements qui n'ont en aucune façon modifié l'objet du projet de loi, mais l'ont plutôt renforcé. Ces amendements sont maintenant inclus dans le projet de loi S-26; ce sont les amendements présentés par le sénateur Joyal auxquels tous les membres du comité ont souscrit.

Permettez-moi tout d'abord de dire ce que ce projet de loi ne fait pas. Il ne supprime pas la cérémonie traditionnelle de la sanction royale. Même s'il offre une alternative, il prévoit que la cérémonie traditionnelle doit avoir lieu au moins une fois par année civile dans le cas du premier projet de loi de crédits présenté lors d'une session. Si cette mesure législative est adoptée, la tradition demeurera et elle aura la chance de prendre plus d'importance qu'à l'heure actuelle, étant donné qu'elle aura lieu moins souvent.

Le Sénat et la Chambre débattent de cette question de façon intermittente depuis plus de quinze ans. Au printemps de 1983, le sénateur Royce Frith proposait déjà une solution de rechange à la sanction royale. Le comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, le comité McGrath, a examiné la question en 1985. Notre propre comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, qui l'a aussi étudiée la même année, s'est dit favorable à des changements. En juillet 1998, le sénateur Murray a présenté le projet de loi S-19, dont s'inspire l'actuel projet de loi S-26. En 1993, le comité permanent de la gestion de la Chambre de l'autre endroit a recommandé en substance que «... la sanction royale soit déclarée au moyen d'un message écrit».

Le Canada est le seul pays où la sanction royale soit encore conférée au cours d'une cérémonie officielle à laquelle doit être présent le souverain, le Gouverneur général ou son suppléant. Comme on peut le lire dans le rapport McGrath:

... nous signalons que le Canada a conservé un usage que le Parlement du Royaume-Uni a abandonné en 1967.

On aura remarqué l'emploi du terme «abandonné».

Comment le Parlement du Royaume-Uni donne-t-il la sanction royale aux lois si la cérémonie qui a encore lieu au Canada y a été abandonnée? De deux façons. Premièrement, comme on peut le lire dans la Loi de 1967 sur la sanction royale, la sanction peut être donnée par trois lords commissaires «en présence des deux Chambres, dans la Chambre des lords et dans les formes prévues par l'usage en vigueur avant l'adoption de la présente loi». Le Parlement peut donner la sanction royale par l'intermédiaire de lords commissaires depuis 1541. Le dernier monarque à s'être présenté à la cérémonie de la sanction royale est la reine Victoria, en 1854.

La deuxième façon de donner la sanction royale prévue dans la loi est que la sanction soit «signifiée aux deux Chambres du Parlement siégeant séparément par leurs Présidents respectifs ou, en leur absence, leurs suppléants». C'est cette seconde solution qui est décrite à l'article 4 du projet de loi S-26.

L'article 7 du projet de loi constitue le changement le plus important apporté au projet de loi S-15, lequel a été retiré, et semble à première vue le rendre nul. Il prévoit ce qui suit:

Nulle sanction royale n'est invalide du seul fait de l'inobservation de l'article 3.

Cet article a été ajouté dans l'éventualité où un événement inattendu, comme la prorogation du Parlement ou des élections, ou les deux, surviendrait avant que les exigences relatives à la cérémonie traditionnelle n'aient été respectées, et s'il figure dans le projet de loi, ce n'est certainement pas à titre de subterfuge maladroit visant à éliminer complètement la sanction royale.

Ce projet de loi respecte les traditions tout en tenant compte de la réalité. Comme un des observateurs l'a souligné, «la sanction royale est une formalité obligatoire, mais ce n'est toutefois qu'une formalité». Elle n'attire que très peu d'attention. C'est difficile de fixer un moment qui convienne à tous. Il arrive parfois qu'aucun député de la Chambre ne soit présent, si ce n'est le Président ou le vice-président. Il arrive même qu'un grand nombre de sièges soient vacants ici même au Sénat. Il règne beaucoup plus souvent lors de ces rencontres une atmosphère d'indifférence qu'un intérêt pour le fait qu'un processus législatif, qui a souvent été long et difficile, a finalement donné lieu à une loi.

Je suis persuadé que s'il y avait moins de formalités, la sanction royale pourrait prendre un sens nouveau. Si on prévoyait ces cérémonies assez longtemps à l'avance, elles pourraient devenir agréables au lieu de constituer une simple formalité plutôt ennuyeuse dont l'importance, comme je l'ai déjà dit, échappe à trop de gens.

L'histoire du Canada est remplie de récits de recherches d'identité et de demandes de reconnaissance de réalisations et d'améliorations apportées par le pays à ce qui a été emprunté ailleurs. Le développement politique de notre pays a évolué sans trop d'entraves grâce aux leçons qui ont été tirées du passé et aussi grâce à l'usage de ce passé même, mais nous ne pouvons tenter de proclamer une identité particulière sans d'abord enterrer une partie de ce passé. Il est ironique de constater que le Royaume-Uni, qui est à la base de la réforme parlementaire survenue un peu partout dans le monde, s'occupe à l'heure actuelle à revoir en entier ses institutions et ses coutumes centenaires. Les lords seront bientôt débarrassés des pairs du royaume. Le Grand Chancelier a perdu ses collants noirs et ses chaussures bouclées. L'Écosse et le pays de Galles profiteront bientôt de diverses formes de transferts de responsabilités. On pense même que l'Église et l'État pourraient être séparés.

Il est vrai que bon nombre de traditionalistes s'opposent au changement, mais il faut reconnaître que la société a besoin de changement pour croître. Le changement proposé par le projet de loi S-26 est modeste, et comme il respecte la tradition, j'ai confiance qu'il recevra un vaste appui dans cette Chambre comme à l'autre endroit.

(Sur la motion du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'accès à l'information

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Shirley Maheu propose: Que le projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Sécurité des transports

Étude du rapport intérimaire du comité spécial-Fin du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du premier rapport (intérimaire) du comité sénatorial spécial de la sécurité des transports, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 janvier 1999.-(L'honorable sénateur Spivak).

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je voudrais renforcer très brièvement certains des propos tenus par le sénateur Forrestall quand il a présenté le rapport intérimaire du comité sénatorial spécial sur la sécurité des transports. Je conviens sans réserve - et qui ne le ferait pas? - que c'est dans le cadre d'études impartiales entreprises par des comités comme celui-ci et ses prédécesseurs que le Sénat se montre à son meilleur.

Nous savons tous que cette Chambre a ses critiques. Je pense qu'ils seraient moins nombreux et que moins de gens les écouteraient s'ils prenaient le temps d'étudier le travail que font les comités.

(1610)

La question de la sécurité des transports touche les gens chaque fois qu'ils montent à bord d'un avion, traversent un passage à niveau en voiture, montent dans une embarcation à leur chalet, ou prennent leur voiture et se retrouvent sur la route côte à côte avec un gros camion.

Depuis un certain temps, les autres membres du comité et moi-même nous intéressons particulièrement à la sécurité dans l'industrie du transport routier. On nous dit depuis un certain temps que les règles de sécurité dans cette industrie manquent d'uniformité à l'échelle du pays. Certaines provinces imposent des règles de sécurité qui sont très différentes des normes nationales; dans certaines provinces, les chauffeurs peuvent conduire beaucoup plus longtemps et causent des accidents parce qu'ils sont trop fatigués. Il existe un ramassis de règles disparates qui jouent peut-être un rôle dans la mort, chaque année, de près de 600 personnes dans des accidents impliquant de gros camions, qui, par ailleurs, font 12 000 blessés. Des chiffres surprenants.

Le printemps dernier, lorsque nous débattions des modifications de la Loi sur le Bureau de la sécurité des transports, j'ai tenté en vain de proposer une nouvelle façon de s'attaquer au problème. Je crois que nous pourrions accroître la sécurité sur nos routes en donnant au bureau fédéral de la sécurité le pouvoir et les ressources nécessaires pour enquêter sur les accidents majeurs impliquant des camions. Le bureau pourrait formuler des recommandations visant à aider les autorités fédérales et provinciales, les automobilistes et l'industrie du camionnage, qui désire plus que quiconque écarter des routes les camions et les conducteurs dangereux. En fait, mon idée n'était aucunement nouvelle. Il s'agissait de la recommandation du groupe d'examen quinquennal mis sur pied par le gouvernement de l'époque et qui a examiné le Bureau de la sécurité. La modification a été rejetée avec dissidence, mais je suis heureuse de dire que l'idée demeure intacte dans la recommandation no 5 du rapport provisoire. J'espère sincèrement que le gouvernement y donnera suite.

Le rapport renferme d'autres propositions utiles au sujet de la sécurité routière. Les membres du comité ont jugé nécessaire de disposer de lois cohérentes sur le camionnage ainsi qu'un code de sécurité nationale applicable. Dans la pratique, cependant, parvenir à cette étape nécessiterait la collaboration de tous les gouvernements, fédéral et provinciaux. Le comité est déterminé à réaliser cet objectif. Franchement, je crois que le comité, dont les membres représentent de nombreuses régions du pays, est tout indiqué pour accomplir cette tâche.

Comme d'autres, j'ai aussi un intérêt spécial pour la sécurité sur l'eau. Comme le rapport intérimaire le fait remarquer, plus de 200 Canadiens perdent la vie chaque année, parce qu'ils s'aventurent dans de petits bateaux, des canoës, des voiliers et même de gros bateaux de croisière à moteur. Cette année, le gouvernement a mis en place de nouvelles restrictions concernant l'âge et de nouvelles exigences de formation pour les gens qui conduisent des embarcations motorisées. C'est très bien, même si des reportages font état de l'opposition de certains groupes d'enthousiastes de la navigation. Certains dénoncent une réglementation outrancière pour régler des problèmes qui sont créés par un engin nouveau et différent - les puissantes motos marines.

Je m'inquiète aussi du risque que représentent pour la sécurité et la tranquillité ces nouveaux jouets d'une puissance de 100 CV entre les mains de personnes très jeunes, en mal de sensations fortes, ou encore ceux qui louent des motos marines sans avoir les connaissances ou la compétence nécessaires pour contrôler toute cette puissance sur une rivière achalandée ou un lac calme et tranquille. D'ailleurs, dans un récent rapport de la Croix-Rouge, on pouvait lire ce qui suit:

La tendance dans la population à considérer les véhicules marins personnels comme des jouets, et non comme de petites embarcations à moteur, et la facilité d'accès à ces véhicules au moyen de locations se soldent par un sérieux manque d'habiletés et de connaissances chez la plupart des conducteurs de ces véhicules marins personnels.

Peu de gens se sont noyés dans des accidents de motos marines, mais il y a eu des décès. En 1996 seulement, cinq personnes sont mortes à la suite de collisions de motos marines. Ces dernières années, des enfants à bord de petites embarcations, dont un dans un canoë au Québec, ont été victimes de ces tragédies. L'année dernière, un accident absolument épouvantable s'est produit sur le lac où nous passons l'été. Une personne a été littéralement coupée en deux par une moto marine. Aux termes de la nouvelle réglementation sur le canotage, il faudra avoir au moins 16 ans pour conduire une moto marine. Je ne suis pas convaincue que la réglementation qui a découlé de la décision du Cabinet de refuser aux propriétaires de chalet le droit de limiter les heures d'utilisation des motos marines sur leur lac fera l'affaire. Quand le comité examinera cette réglementation, j'espère qu'il songera aux autres mesures qui pourraient être raisonnablement nécessaires pour réglementer ces embarcations très puissantes, bruyantes et dangereuses.

Le rapport intérimaire comporte beaucoup d'autres recommandations au gouvernement ainsi que des observations sur la façon dont la sécurité dans les transports est encouragée dans les autres pays. Je ne les énumérerai pas toutes. Je vous incite plutôt à lire attentivement le rapport et à appuyer ses suggestions sérieuses.

Les honorables sénateurs verront également qu'il reste encore beaucoup de travail passionnant à faire. J'espère que plus de sénateurs d'en face et de ce côté-ci trouveront cette lecture suffisamment fascinante pour accepter l'invitation de notre président et participer au précieux travail de notre comité.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si personne d'autre ne veut prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

Le budget de 1999

L'exposé du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, le 16 février, le ministre des Finances a présenté le budget de l'exercice 1999-2000 à la Chambre des communes. Comme la façon dont le gouvernement a décidé de prioriser ses dépenses importe beaucoup pour le bien-être des Canadiens, je vous prie de m'autoriser à examiner certaines préoccupations concernant le budget.

Comme vous le savez, ce budget a été appelé le «le budget des soins de santé» étant donné qu'il injecte des fonds additionnels dans les paiements de transfert aux provinces au chapitre des soins de santé. Il faut se féliciter de ce que le gouvernement libéral a reconnu la nécessité d'investir davantage dans les soins de santé.

[Français]

Je vois que le sénateur Graham n'est pas ici, mais je l'ai entendu dire que nous avons le meilleur système de santé au monde.

[Traduction]

Il est temps qu'il réexamine la chose, car ce n'est plus vrai. Nous devrions recommencer à accomplir des progrès.

Au Canada, nous avons un système de soins de santé fragmenté et il lui faudrait une infrastructure plus stable pour répondre aux demandes actuelle et future. Le budget proposé prévoit effectivement améliorer l'infrastructure, mais on doit se demander si le cadre qu'il établit aura bien l'effet escompté, à savoir améliorer de façon globale les fondements de notre système de soins de santé. Pour citer le ministre de la Santé, Allan Rock:

Il ne s'agit pas seulement d'injecter des dollars dans le système de soins de santé. [...] Encore faut-il que cet argent soit bien dépensé pour obtenir le résultat escompté, à savoir des soins de qualité.»

Il semble que M. Rock rencontrera les ministres provinciaux de la Santé en mai pour commencer les pourparlers sur la réforme des soins de santé. Quelles garanties avons-nous que le cadre captera l'essentiel des besoins des Canadiens en matière de soins de santé? Quelle vision a-t-il de l'avenir des soins de santé au Canada et de quel genre de leadership le gouvernement entend-il faire preuve? Ces questions vont demeurer sans réponse, du moins pour le moment.

[Français]

Honorables sénateurs, j'ai toujours prêché l'amélioration des soins de santé au Canada. Selon des sources du Globe and Mail, l'inflation et les transformations démographiques gonflent d'environ trois milliards de dollars par an la facture annuelle des soins de santé au Canada. Tandis que les coûts médicaux ne cessent d'augmenter, le gouvernement actuel a amputé les paiements de transfert aux provinces de 17 milliards de dollars depuis 1993. Il faut le faire. Certains analystes prédisent que même en comptant les 11,5 milliards de dollars additionnels qui seront affectés aux soins de santé dans ce budget-ci, les réductions de paiements de transfert accumulées entre 1993 et 2003 s'élèveront à 37 milliards de dollars uniquement dans le domaine de la santé.

J'ai beaucoup de peine de constater que le système de santé, à force de subir des compressions et de devoir étirer ses ressources au maximum, ne répond plus toujours aux besoins des citoyens. Chacun d'entre nous en a été témoin. Le système de santé se dégrade; les urgences sont débordées partout au pays; il n'existe pas suffisamment de services pour les soins à domicile et les maisons d'hébergement pour les personnes âgées. Il y a peu de services de réadaptation physique et à plusieurs endroits, l'accessibilité aux soins médicaux n'est pas facile. Je n'hésite pas à appuyer les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour revitaliser notre système d'assurance-maladie, bien qu'en tant que sénateurs, nous devons plaider la cause d'un gouvernement responsable et d'une politique budgétaire qui nous donnera le meilleur système de soins que nous puissions nous payer.

[Traduction]

Le budget cible aussi la recherche. Il est indispensable d'épauler les activités de recherche et développement si l'on veut que le Canada maintienne et améliore sa situation dans le secteur de la recherche à l'échelle mondiale. Voici toutefois ce qui était mentionné dans un article récent du Toronto Star:

L'octroi de 1,5 milliard de dollars supplémentaires sur une période de quatre ans pour les dépenses de R-D est le bienvenu, mais ce n'est pas grand-chose si l'on tient compte des compressions antérieures et du fait que les dépenses du Canada en ce domaine sont déjà faibles à comparer à celles des autres pays industrialisés.

Comparativement à d'autres pays, et toutes proportions gardées, le Canada demeure l'un de ceux qui investit le moins dans le savoir. Il convient de se demander si le fait de cibler la recherche médicale aura un effet important sur l'exode actuel des cerveaux canadiens.

Honorables sénateurs, il est aussi inquiétant de constater que le budget fédéral n'a pas tenu compte des nouvelles initiatives stratégiques proposées par le Conseil national de recherches du Canada, initiatives qui ont été élaborées en collaboration avec l'industrie, les provinces et les universités. Pourquoi ne prendrions-nous pas en considération les initiatives proposées par le CNRC au moment de décider des dépenses fédérales en matière de recherche?

Par rapport à la recherche médicale, le budget prévoit la création des Instituts canadiens de recherche en santé, idée qui avait été proposée l'an dernier par le Conseil de recherches médicales. On me dit que le projet de loi visant la création de ces instituts devrait être déposé à l'automne et que les fonds de 240 millions de dollars seront alloués sur deux ans, à compter de l'exercice 2000-2001. Ce qui est obscur, c'est que l'on n'a aucun détail sur le financement courant des Instituts canadiens de recherche en santé. Qu'arrive-t-il au bout de deux ans? Je m'inquiète de l'absence de vision et du fait que nos dirigeants n'ont pas pris d'engagement à l'égard d'un plan solide et exhaustif de recherche en matière de santé.

Un secteur de la recherche en santé qui, malheureusement, est presque toujours négligé, c'est celui de la recherche sur la santé et les maladies mentales. Au Canada, nous en savons très peu sur la santé mentale des Canadiens. Une dizaine d'Instituts canadiens de recherche en santé seront créés et pourront compter sur des équipes de spécialistes. Parmi ces instituts, y en aura-t-il un qui se consacrera à la santé mentale, un secteur de la santé où les besoins en recherche sont actuellement immenses? J'espère qu'on tiendra compte de cela à mesure que les plans de recherche sur la santé seront dévoilés.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un problème imaginaire. Il suffit de penser au taux de suicide dans notre pays. Il suffit de penser aux gens que nous appelons les sans-abri.

[Français]

Un grand nombre d'entre eux sont des malades mentaux et pourtant, on n'en parle pas très souvent. Je ne fais pas plus de reproche au gouvernement fédéral qu'aux gouvernements provinciaux. C'est un problème auquel il faut s'attaquer rapidement parce que la situation évolue vers le pire, non pas vers le mieux.

Aux séances du comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la confiance est une des valeurs dont il a été question, plus particulièrement en ce qui a trait à la cohésion sociale. Des témoins nous ont dit que pour parvenir à la stabilité économique, nous devons redonner confiance à la population. L'inégalité sociale n'est certainement pas le meilleur moyen d'y arriver. Au Canada, le fossé se creuse entre les riches et les pauvres, et on ne compte plus les politiques économiques qui affectent et minent la cohésion sociale en exacerbant la pauvreté et le chômage.

Honorables sénateurs, je ne vois pas dans ce budget les outils dont notre pays aurait besoin - économiquement et socialement - pour accueiller le nouveau millénaire. Rien non plus qui s'intéresse au sort des personnes défavorisées au Canada, tel qu'indiqué la semaine dernière par les sénateurs Atkins et Cohen. Au contraire, le budget ignore complètement l'aide sociale et l'enseignement postsecondaire et ne s'attache qu'aux soins de santé, ce qui, je dois en convenir, était nécessaire. Les réductions dans les paiements de transfert aux provinces en matière de santé et de services sociaux restent en vigueur. Devant, par exemple, l'augmentation des taux de pauvreté chez les enfants, le drame des sans-abri dans nos villes et les taux effrayants de pauvreté dans les réserves indiennes, les réductions des paiements de transfert en matière de santé et de services sociaux ont de quoi nous inquiéter. Sans doute, il y a un soulagement qui est apporté, je le reconnais, et encore une fois, j'en félicite le gouvernement. Il nous faut une vision à plus long terme.

L'éducation, qui est un facteur d'inégalité, a aussi été frappée par les compressions. Il ressort d'un rapport récent de Statistique Canada que les familles doivent maintenant débourser 19 p. 100 de plus, en raison surtout de l'augmentation des frais de scolarité dans les établissements postsecondaires.

J'aimerais savoir comment le gouvernement entend combattre ces graves problèmes. Encore faut-il qu'il ait la volonté de le faire.

[Traduction]

Enfin, honorables sénateurs, je voudrais dire un mot du chômage. Nous sommes au courant des informations voulant que le taux de chômage soit à la baisse. Tant mieux. Malheureusement, la vérité qui se cache derrière ce qui semble être une bonne nouvelle, c'est que la majorité des travailleurs sans emploi n'ont plus droit à l'assurance-emploi et ne comptent donc plus dans les statistiques. Le chômage continue de faire problème au Canada. Pourtant, la caisse de l'assurance-emploi a un excédent de 20 milliards de dollars. Ne serait-il pas logique de réinvestir des ressources financières dans notre main-d'oeuvre, par exemple en proposant aux travailleurs une formation sérieuse? Pourquoi notre gouvernement préfère-t-il se servir de l'excédent de l'assurance-emploi pour réduire le déficit national? En soi, l'idée n'est pas mauvaise, mais nous ne pouvons pas laisser à leur sort tous ces travailleurs touchés par les coupes dans l'assurance-emploi. Cet exemple montre qu'on équilibre le budget en sacrifiant les pauvres et les chômeurs, ceux qui dépendent de l'aide du gouvernement, ceux à qui nous opposons un refus et à qui nous prêchons les vertus de l'autonomie.

Honorables sénateurs, j'ai exprimé mes inquiétudes au sujet du budget fédéral en ce qui concerne la santé, la recherche et les problèmes sociaux du Canada. J'hésite beaucoup à donner suite à ce budget en toute bonne conscience, et je suis d'accord avec le sénateur Lynch-Staunton pour dire qu'il doit y avoir des consultations avant que le budget ne soit appliqué. Le budget comporte des contradictions et des risques que, en parlementaires responsables, nous devons examiner. Le Sénat, qui est une Chambre de second examen objectif, doit jouer son rôle afin de protéger l'intérêt public. N'oublions jamais que nous sommes ici pour servir de notre mieux le public, et surtout nos concitoyens les plus démunis.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, nous avons eu droit encore cette année, de la part du ministre des Finances, à un discours du budget au style triomphant sur la performance du gouvernement et sur celle de l'économie canadienne. Le ministre nous a orgueilleusement débité les aspects positifs de ces performances.

Je l'ai écouté avec attention et, si je puis comprendre sa grande joie d'être à la barre à ce moment-ci, alors que le déficit annuel est enfin chose du passé, que les taux d'intérêt et d'inflation sont bas et que le surplus budgétaire reçoit l'assentiment des gens, je m'explique moins bien pourquoi un homme dans cette haute fonction se soit refusé à nous dire toute la vérité sur la condition économique du pays. S'il est un responsable qui devrait discuter objectivement de l'ensemble de la situation économique, c'est bien le ministre des Finances. Or, comme il ne l'a pas fait, quelqu'un se doit de souligner ici les aspects qu'il a passés sous silence. C'est là l'objet de mon propos.

Ce ne serait pas rendre service, en effet, que d'ignorer les aspects inquiétants de notre condition socioéconomique. Après tout, nous ne sommes pas dans la peau du ministre du Commerce international qui, pour vendre nos produits à l'étranger, publie des brochures montrant toutes le beau côté de la médaille en ce qui concerne le Canada et fait une multitude de discours à travers le monde pour attirer des investisseurs chez nous. Cela est bien, mais il faut sortir du ton apologétique qui caractérise nos ministres et voir aussi ce qui est plus agaçant.

[Traduction]

(1630)

Je ne suis pas, et de loin, le premier à insister sur la nécessité d'effectuer une analyse indépendante et objective du rendement économique du Canada et du gouvernement du Canada. Dans son rapport annuel sur le rendement et le potentiel de l'économie canadienne, le président du Conference Board of Canada l'a déjà déclaré. Je vous recommande la lecture de ce rapport.

Mon idée est inspirée par ce rapport et par d'autres études publiées en 1998 et en 1999 par l'Institut de recherche C.D. Howe, Statistique Canada, la Banque du Canada, des économistes dont les travaux ont été publiés dans de nombreux périodiques et journaux, et l'OCDE, dont j'ai eu l'honneur de discuter du rapport annuel à Strasbourg en septembre dernier. J'ai aussi été inspiré par certains tableaux publiés par le ministère des Finances et que le ministre a refusé de commenter.

Honorables sénateurs, le champ de la politique économique est très vaste. Il y a des instruments, particulièrement les instruments à court terme, qui agissent comme stabilisateurs au niveau macroéconomique et qui attirent l'attention des politiciens et de la population comme la politique monétaire et la politique financière, cette dernière étant mise en oeuvre au moyen des dépenses publiques et de l'imposition.

[Français]

Il est évident qu'une partie de mon intervention portera là-dessus puisque le discours du budget traite presque seulement de cela étant donné la conjoncture actuelle favorable. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici, c'est pour regarder plus loin que demain matin. Voilà pourquoi la première partie de cette intervention portera sur les politiques structurelles, les politiques à moyen terme qui influent sur l'aspect micro-économique, c'est-à-dire sur la prospérité des personnes et des entreprises et qui conditionnent, de ce fait, la richesse relative de notre pays et sa croissance, notre niveau de vie et, en définitive, notre qualité de vie. En ce sens, l'action à moyen terme est plus importante que celle, plus à la mode à court terme, dont le ministre a parlé.

[Traduction]

Ces politiques restent indépendantes d'un climat favorable ou défavorable à la croissance à court terme. Elles touchent directement les facteurs de production de l'ensemble du pays. Ces facteurs sont, tout d'abord, les ressources humaines, y compris leur qualité, l'effort qu'elles fournissent et leur rendement. Viennent ensuite les ressources physiques, qui sont les ressources naturelles et le matériel. Il y a la technologie, y compris son état de développement, et l'innovation industrielle. Ensuite, il y a la répartition efficace des capitaux et, enfin, l'organisation et la gestion des entreprises, que ce soit pour la production des produits et services ou l'anticipation de la demande.

Chacun de ces éléments est essentiel à l'accroissement de la productivité et, par conséquent, se répercute sur la compétitivité de notre économie. Finalement, c'est cela qui détermine notre niveau de prospérité parce que la mobilité des capitaux, des biens et de la main-d'oeuvre est ce qui caractérise le mouvement actuel de mondialisation de l'économie.

[Français]

Or le Canada, avec une capacité relativement forte de production et une population relativement petite, est une société extrêmement sensible à cette mobilité. Si notre productivité nous rend compétitifs, nous exportons nos biens et nos services, et si nous ne sommes pas concurrentiels, c'est la décroissance plus ou moins immédiate de notre économie.

Il y a donc lieu de parler ici de productivité, d'emploi, de coût unitaire de main-d'oeuvre, de taux de participation à la population active, de production par employé et de revenu par personne parce que c'est là le c9ur même de ce qui détermine notre richesse relative, notre niveau de vie.

Or, honorables sénateurs, sur ces aspects vitaux de notre développement, ce n'est pas de gaieté de c9ur que je constate le déclin relatif du Canada depuis 30 ans, un déclin lent mais constant. Vous me direz que le ministre nous dit que cela va bien. Je regrette, les chiffres sont là, nous perdons du terrain dans le groupe des pays de l'OCDE. Nous étions à la tête ou presque, il y a 25 ans; nous baissons tranquillement, nous perdons notre avance. Parmi les pays les plus avancés de ce groupe, c'est-à-dire le groupe des 7 plus le Benelux et les pays scandinaves, notre situation est mitoyenne. Nous ne sommes plus près du sommet avec les Américains, comme autrefois.

Ce que je vous donne ici comme conclusion majeure résume un ensemble de tendances statistiques qui se confirment. Cela est bien plus important, honorables sénateurs, que les bonnes nouvelles de février dernier du ministre des Finances. Il va peut-être rétorquer que ce que j'affirme était vrai jusqu'en 1993, mais que maintenant qu'il est là, nous gagnons du terrain. Non, honorables sénateurs, si quelques données partielles et récentes donnent raison au ministre pour 1997, et peut-être pour le début de 1998, je vous dis que la situation est très inquiétante et que le virage du bon côté est loin d'être acquis, si commencement de virage il y a.

[Traduction]

Par exemple, le ministre du Commerce international nous a dit que les investissements étrangers directs au Canada avaient doublé entre 1986 et 1996. Toutefois, notre part du total des investissements dans le monde entier s'établissait à 11 p. 100 en 1986, mais n'est plus aujourd'hui que de 4 p. 100. Cela signifie que nous sommes moins compétitifs, moins en mesure de créer un climat propice à l'investissement. Nous luttons désormais contre de grands rivaux, comme la Chine, l'Asie du Sud-Est, l'Amérique latine et l'Europe de l'Est.

La conjoncture économique mondiale a grandement changé et nous devons, par conséquent, l'examiner sous un nouvel angle. Non seulement notre pays est moins attrayant aux yeux des investisseurs, mais nous avons surtout compté par le passé sur trois éléments pour nous apporter la prospérité: l'immigration de travailleurs possédant les compétences appropriées, nos immenses ressources naturelles et le libre transfert de technologies par l'intermédiaire de succursales de sociétés surtout américaines, notamment dans le secteur de l'automobile.

[Français]

Or les ressources naturelles, dans l'économie du savoir d'aujourd'hui et de demain, sont relativement moins importantes qu'autrefois. En second lieu, nous n'offrons pas d'incitatifs avantageux pour les entreprises de haute technologie, et enfin, nous n'avons aucune garantie que dans l'avenir, les immigrants hautement qualifiés prendront le chemin du Canada.

Par exemple, parmi les vingt centres d'excellence en informatique de l'Amérique du Nord, l'Université de Kitchener-Waterloo constitue le principal foyer de recrutement de Microsoft à Seattle. C'est bien pour les États-Unis, mais est-ce que ce l'est pour le Canada?

Au sujet de la formation et de l'entraînement de nos ressources humaines, je donnerai plus loin des statistiques qui indiquent nos problèmes sérieux de productivité des systèmes scolaires.

Dans les années 90, nous avons connu une hausse relative du coût de la main-d'oeuvre qui découlait de la baisse relative de la productivité du travail par rapport à nos voisins du sud. Si nous avions eu leur taux de croissance à cet égard, chaque personne ici serait plus riche de 7 000 $. C'est ce qui explique que notre revenu personnel moyen soit de 30 p. 100 moins élevé qu'aux États-Unis, c'est-à-dire 28 000 $ au lieu de 36 000 $ en 1997.

De plus, le taux de participation à la population active, qui a monté aux États-Unis de 2 points de pourcentage à chaque décennie depuis les années 60, n'a pas subi la même trajectoire au Canada. Si vous ajoutez notre taux de chômage, qui est presque le double du leur, vous avez là une partie de l'explication de notre relativement faible productivité industrielle, qui est au trois quarts de celle des Américains. Si bien que relativement, le revenu personnel a décliné au Canada, tout comme la production par personne. Cela se reflète dans la chute graduelle du dollar depuis les années 70, et si notre commerce international a progressé, c'est parce que nos manufacturiers ont été subventionnés indirectement par un dollar dévalué. Il n'y a là rien de réjouissant. L'Accord du libre-échange devait fouetter les manufacturiers pour accroître leur compétitivité, mais cela ne s'est pas matérialisé sensiblement dans plusieurs secteurs. La raison de ce phénomène est le relativement faible investissement en équipement, en partie à cause des hausses de taxes, mais aussi en raison du fait que ces équipements coûtent plus cher parce que le dollar est dévalué et qu'il faut les importer des États-Unis.

[Traduction]

Pendant la même période, de nombreuses exigences réglementaires ont été ajoutées, notamment la discrimination à rebours à l'endroit de certains groupes d'intérêts, comme les syndicats. De plus, l'impôt sur le revenu et les charges sociales ont considérablement augmenté au Canada par rapport aux États-Unis. Encore cette année, avec l'augmentation des cotisations aux régimes de pension, nous imposons aux jeunes un lourd fardeau qui profitera aux personnes âgées dont la qualité de vie, au cours des vingt dernières années, s'est améliorée plus que celle de n'importe quel autre groupe.

[Français]

Je viens de faire allusion aux taxes. Les Américains ont, par exemple, un impôt sur les gains en capital de 20 p. 100. Ici, il est de 40 p. 100. Où croyez-vous que les entrepreneurs ont intérêt à investir dans ces conditions?

Le gouvernement sait bien que la mondialisation d'aujourd'hui a rétréci sa marge de manoeuvre fiscale et monétaire. Il n'en continue pas moins de conserver un contexte non favorable par rapport à nos voisins qui sont nos principaux concurrents. Ou bien nous nous adaptons aux conditions de la mondialisation avec ingéniosité et innovation, ou bien nous allons continuer de payer un prix de plus en plus élevé, soit un dollar déprécié et une rétrogradation dans l'échelle internationale des pays avancés. Fermer les écarts avec les États-Unis en fiscalité, productivité, chômage et innovation est une obligation sine qua non. C'est ce qu'il faut retenir. Le ministre, dans son document de mise à jour en octobre 1998, a publié à la page 83 un tableau révélateur à ce sujet.

En marge de chaque secteur de la politique économique, il mentionne les instruments ou les voies à emprunter, puis les résultats accomplis en regard de chacun. Les scores, vous le verrez, sont modestes sauf sur les plans de l'élimination du déficit et de la baisse des taux d'intérêt qui découle surtout de la conjoncture américaine, particulièrement au plan de la structure fiscale, de la flexibilité du marché du travail et du taux de participation à la population active.

Le ministre, en regard de la déréglementation, mentionne les privatisations dans les transports, mais oublie de souligner que ce sont des initiatives du gouvernement précédent!

Si nous voulons accroître la productivité de la main-d'9uvre, il n'y a pas que la qualité du travail à considérer, il y a aussi le volume. Les Américains travaillent 200 heures par année de plus que nous en moyenne. Ce n'est pas rien, c'est 10 p. 100 du temps de travail. Au lieu d'accroître le taux de participation à l'emploi, nous incitons les gens au Canada à prendre leur retraite avant le temps. C'est scandaleux! Des médecins et des infirmières à la retraite à 55 et 60 ans quand les gens font la file pour se faire soigner! Nous perdons le bénéfice de l'expertise et de l'expérience. C'est vrai aussi dans le domaine de l'enseignement: l'enseignement secondaire, collégial et universitaire, dans certains cas. C'est une politique désastreuse que d'encourager cela comme le font nos gouvernements à Québec et à Ottawa.

Le Fonds monétaire international, dans son étude sur le Canada dont le ministre était si fier, a dit dans des termes polis au gouvernement canadien qu'il avait des progrès à enregistrer au plan de la mobilité de la main-d'9uvre.

De 1966 à 1996, l'État s'est emparé de 30 p. 100 jusqu'à 50 p. 100 du PIB au Canada. Pendant ce temps, la croissance de l'économie canadienne a diminué de 5 p. 100 à 2 p. 100. La leçon devrait être claire pour tous, me semble-t-il.

Au Québec, de plus en plus de gens réalisent que le nationalisme est coûteux en termes économiques. On ne crée pas de l'incertitude sans que cela coûte quelque chose. C'est vrai aussi pour le Canada. Lorsque nous imposons des barrières réglementaires, nous en payons le prix en perte d'investissements, de chercheurs et d'emplois. Il faudra bien un jour que nos dirigeants réalisent qu'à vouloir jouer les gros poissons dans un petit lac, la classe politique nous condamne à un avenir de second rang, comme l'écrivait si justement M. Helfinger dans le Maclean's du 15 février dernier. Mme Janigan, dans le même numéro, a bien diagnostiqué nos problèmes.

[Traduction]

Nous avons donc d'importants défis à relever, comme l'a fait remarquer M. Frank du Conference Board: une population vieillissante, avec la hausse des coûts de la santé que cela comporte, des impôts qui sont les plus élevés des pays du G-7 et jusqu'à 30 p. 100 plus élevés que les impôts américains, un service de la dette qui représente 30 p. 100 du budget fédéral, des coûts de chômage qui comptent pour 20 p. 100 du même budget, des cotisations de retraite qui coûteront jusqu'à 1 400 $ de plus par personne en 2003 et un secteur de R-D beaucoup moins vigoureux que celui des États-Unis. À cet égard, je me demande si le caractère largement public de la recherche faite au Canada n'a pas pour effet de rendre nos entreprises privées plus dépendantes, lesquelles sont certainement moins portées à faire leur part après avoir fini de payer tous leurs impôts.

Quant à l'innovation, il est nécessaire de susciter un climat d'émulation, comme on le voit dans les parcs technologiques de Raleigh, au Texas, d'Atlanta, de Silicon Valley et de Seattle, mais qui ne semble pas exister dans nos laboratoires gouvernementaux.

[Français]

Honorables sénateurs, il suffit de jeter un coup d'oeil sur le rythme de croissance de la population des régions métropolitaines d'Amérique du Nord depuis 15 ou 20 ans pour constater qu'au Canada, dans les villes majeures, sauf Toronto, nous ne sommes pas là, alors qu'aux États-Unis, on compte Atlanta, Dallas, Houston, Tampa, Miami, San Diego, Minneapolis, Phoenix, Seattle, et cetera.

Dans les villes plus petites, sauf Calgary et Edmonton, c'est à peu près tout chez nous, alors que nos voisins voient croître rapidement Austin, Bakersfield, Colorado Springs, Fresno, Tucson, Charlotte, Raleigh et plus d'une douzaine d'autres agglomérations. Comme dans une économie de marché, les gens s'installent là où ils croient avoir le plus de chance de gagner leur vie, force nous est de conclure que ce n'est pas chez nous que les choses se passent.

Nous commençons à peine à réaliser que notre production par personne a décliné par rapport à celle des États-Unis, de 85 p. 100 en 1989, à 78 p. 100 en 1998. Nos coûts unitaires de travail ont monté de 1 p. 100 plus vite qu'aux États-Unis durant huit ans, ces dernières années, sauf en 1997.

Si le dollar canadien n'avait pas perdu plus de 20 p. 100 de sa valeur, nos exportations seraient en baisse, mais les coûts d'achat d'équipements américains pour améliorer notre rendement ont augmenté considérablement, ce qui augure mal pour des investissements futurs.

Le gouvernement, honorables sénateurs, a donc beaucoup de travail devant lui s'il veut corriger la situation. Le rapport de l'OCDE sur le Canada est éloquent à ce sujet: il faut revoir la fiscalité en profondeur. Quand nous enlevons 50 p. 100 des revenus des gens, nous ne pouvons pas parler d'équité. Ils ne sont guère motivés à être plus efficaces. Il nous faut aussi un marché du travail plus flexible: les incitatifs doivent être du côté du travail et non du loisir. Il faut, de plus, resserrer le tissu social au lieu de favoriser les conflits.

Honorables sénateurs, je ne dis pas des choses agréables au gouvernement, mais j'aime ce pays et je voudrais qu'il revienne dans le peloton de tête. Pour cela, il faut que le gouvernement bouge, ce qu'il n'a pas fait dans son budget jugé d'ailleurs très sévèrement par le milieu des affaires, par ceux qui tentent de créer des emplois et d'activer la croissance des entreprises.

Le ministre des Finances a donc, et le gouvernement avec lui, opté pour continuer la croissance économique anémique des 30 dernières années en refusant l'occasion du surplus budgétaire pour redresser la situation. Il a reporté l'allégement fiscal dans le territoire pourtant le plus taxé en Amérique du Nord.

Le résultat en est les quatre grandes faiblesses suivantes du Canada: une hausse de productivité plus lente que dans les autres pays du G-7, un fardeau fiscal beaucoup plus élevé que nos compétiteurs américains, une dette globale parmi les plus élevées du G-7 et l'exode de nombreux spécialistes de diverses disciplines.

Voilà en résumé mes tristes observations sur la croissance déficiente. C'est dommage. J'ai seulement prononcé la moitié de mon discours. Je voulais parler de la politique monétaire et fiscale, de la taxation et de la politique des dépenses et conclure avec la politique administrative. Je vais me reprendre. J'aurai d'autres occasions lors de l'étude des lois sur la mise en vigueur du budget pour parler de la politique fiscale.

Son Honneur le Président: Puisque la période de temps est dépassée, à moins d'un consentement de la Chambre, on ne peut poser des questions. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Lowell Murray: Comment expliquez-vous le faible taux d'investissement privé dans la recherche, étant donné que les incitatifs gouvernementaux, par exemple, en recherche et en développement, sont parmi les plus généreux au monde?

Le sénateur Bolduc: Il y a plusieurs raisons, une des principales étant la structure de l'économie canadienne. Nous avons moins de grandes entreprises qu'ailleurs. Nous sommes 30 millions d'habitants. Nous n'avons pas une multitude d'entreprises multinationales. C'est l'une des raisons.

L'autre raison concomitante est que nous avons une structure industrielle relativement serrée. Dans chacun des secteurs, vous avez deux ou trois grandes entreprises. Nous avons, dans certains secteurs comme les produits chimiques, l'automobile et le pétrole, des transferts technologiques qui ne nous coûtent rien. Nous avons été habitués à cela.

Les compagnies américaines utilisent leur technologie quand elles ouvrent une compagnie subsidiaire ici. Nous bénéficions gratuitement des transferts technologiques. Les gens s'y sont habitués et ils ont pris pour acquis que ce sera toujours ainsi. Ce ne sera pas toujours ainsi. C'est la deuxième raison.

Les taux de taxe des corporations sont à 4 ou 5 p. 100 plus élevés qu'aux États-Unis. C'est prohibitif. Je comprends qu'ils ont des incitatifs. Ce sont des choses récentes qui datent de cinq ou dix ans. Avant de constater ces effets, les gens s'attendent à ce que les fonds pour la recherche soient investis dans les laboratoires du gouvernement. Je ne suis pas convaincu que c'est la bonne méthode. Plusieurs entreprises pensent que le gouvernement va faire la recherche et qu'elles vont en bénéficier après. Vous avez là tout le problème de nos laboratoires gouvernementaux. La recherche des scientifiques est fondée sur leurs intérêts et non sur des commandes précises de l'entreprise. C'est un des gros problèmes. La demande vient des gens qui travaillent au sein des entreprises et non de l'extérieur, de sorte que si vous êtes en concurrence avec des scientifiques de l'extérieur dans d'autres laboratoires, ils seraient obligés de s'adapter à la demande. Les indicateurs de la demande réelle font défaut sur les développements technologiques. C'est un des gros problèmes du Canada. Il n'y a pas une simulation intérieure dans ces laboratoires qui se comparent à celle que vous trouvez dans les parcs technologiques, par exemple, à celui d'Atlanta que je connais particulièrement bien. Vous avez toutes les grandes entreprises d'ordinateurs qui y sont groupées. Il y a là un ensemble de ressources avec une masse critique qui crée une concurrence véritable, ce qui n'est pas vraiment le cas au Canada.

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais d'abord féliciter le sénateur Bolduc de son excellent discours. Il a soulevé des questions qui nous tourmentent tous. La question de la productivité est au coeur même du problème, personne ne dira le contraire, nonobstant certaines variations récentes sur ce thème. Toutefois, au coeur du problème se trouve la question d'une économie nationale efficace.

Le sénateur Bolduc peut évoquer les énormes obstacles à l'amélioration de notre économie interne que sont les barrières commerciales interprovinciales. Dans deux de nos principales économies, celles de l'Ontario et du Québec, nous n'avons pas terminé la déréglementation.

Qu'est-ce le sénateur a à dire là-dessus?

[Français]

Le sénateur Bolduc: Je vais vous surprendre, honorables sénateurs. Je trouve que le gouvernement fédéral n'est pas assez interventionniste, pour une fois. Il devrait être interventionniste vis-à-vis des provinces et mettre de la pression pour qu'on ouvre les barrières, ce qu'il ne fait pas. Il est trop poli avec les provinces. Il a peur de la critique, probablement, de Québec, de Toronto ou d'ailleurs. Ce qui fait que le gouvernement fédéral n'intervient pas suffisamment.

Comme vous le savez, étant un nationaliste traditionnel du Québec, je suis plutôt porté vers l'autonomie des provinces. Je suis d'accord avec le respect des juridictions. Dans ce cas, le gouvernement fédéral devrait être plus actif. Dans l'union sociale, il a essayé d'éliminer des barrières dans la concurrence interprovinciale, mais cet effort n'a pas été suffisant. Il faudrait aller plus loin.

J'appuie l'union économique à 100 p. 100. Ce n'est pas compliqué, il faut y aller. Par contre, sur les plans social et culturel, nous pouvons très bien nous occuper de cela nous-mêmes. Ce n'est pas facile à accepter. Je sais que pour le reste du Canada, c'est différent au point de vue culturel. Je comprends cela. Je représente l'attitude profonde du Québec. Le sénateur Lynch-Staunton comprend davantage ce que je veux dire, étant donné qu'il vient du coin lui aussi. Il voit peut-être cela d'un oeil plus détaché, parce que de Montréal, on voit cela différemment que du reste de la province.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Graham, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Canada et le défi nucléaire

Motion d'approbation du rapport du comité des affaires étrangères et du commerce international-Recours au Règlement-Décision du Président-Retrait de la motion

L'ordre du jour appelle:

Motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Keon:

Que, étant donné que la prolifération des armes nucléaires est une menace réelle et permanente pour la sécurité dans le monde, et reconnaissant les conclusions non équivoques du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international dans son étude intitulée: «Le Canada et le défi nucléaire», le Sénat du Canada appuie entièrement les objectifs de désarmement et de non-prolifération contenus dans le rapport et exhorte le gouvernement du Canada à préparer sa réponse en tenant compte attentivement des recommandations du comité.-(Décision du Président).

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis prêt à rendre ma décision sur cette question.

Honorables sénateurs, le jeudi 11 mars dernier, au moment où le sénateur Roche se préparait à s'exprimer sur sa motion, le sénateur Kinsella a invoqué le Règlement en mettant en question l'acceptabilité, sur le plan de la procédure, d'une motion qui souscrit à un rapport de la Chambre des communes dont le Sénat n'a pas été officiellement saisi.

Le sénateur Roche propose dans sa motion que le Sénat appuie les objectifs de désarmement et de non-prolifération énoncés dans le rapport du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes concernant la politique nucléaire.

[Français]

Dans son argumentation, le sénateur Kinsella a demandé, compte tenu de l'autonomie et de la séparation des deux Chambres, s'il était convenable que le Sénat débatte d'un rapport de l'autre endroit qui ne lui a pas été communiqué officiellement. Du même coup, le sénateur a précisé qu'il ne contestait pas le droit du sénateur Roche de présenter une motion en faveur du désarmement.

[Traduction]

Plusieurs sénateurs ont participé à la discussion et suggéré que la motion du sénateur Roche soit modifiée de manière à contourner cet obstacle technique. Le sénateur Roche a indiqué à plusieurs reprises qu'il était tout à fait disposé à apporter tout changement nécessaire pour que sa motion soit recevable. De fait, en répondant à la suggestion du sénateur Stewart, il a proposé une version révisée de sa motion qui élimine toute référence au rapport de la Chambre des communes.

[Français]

J'ai alors demandé au sénateur Kinsella s'il accepterait de retirer son objection. Le sénateur a expliqué qu'il ne voulait pas nuire au travail du Sénat, mais qu'il estimait que son rappel au Règlement répondait à un besoin. Le sénateur Kinsella a ajouté que la minorité n'a que le Règlement pour la défendre et il estime que la question est suffisamment importante pour être tranchée par le Président.

Je tiens d'abord à remercier tous les sénateurs qui ont participé à la discussion. Comme toujours, ce que j'entends m'aide à dégager les points essentiels.

[Traduction]

L'évitement de toute référence aux travaux de l'autre endroit au cours des délibérations est un usage bien établi qui remonte à de nombreuses années. À vrai dire, cette interdiction a été incorporée officiellement dans le Règlement du Sénat il y a déjà près de 25 ans.

L'article 46 dit ceci:

Il est permis de résumer un discours prononcé à la Chambre des communes au cours de la session courante, mais il ne convient pas d'en citer des passages, à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre sur une question de politique gouvernementale.

Même si la source n'a pas été donnée explicitement, il semble que le libellé se soit inspiré du texte d'Erskine May, cette autorité britannique en matière de procédure parlementaire, qui continue de figurer dans les nombreuses éditions de ce vénérable ouvrage.

[Français]

À cet égard, il intéressera peut-être le Sénat de savoir que l'actuel comité spécial de modernisation de la Chambre des communes britannique a recommandé l'abandon de cette interdiction traditionnelle. Dans son quatrième rapport présenté en mars 1998, le comité a fait remarquer que:

La présidence a souvent de la difficulté à appliquer cette disposition étant donné qu'elle ne peut pas toujours vérifier immédiatement si le député cite ou résume un passage, si le Pair en question est membre ou non du gouvernement, et si le débat auquel on renvoie s'est produit au cours de la session courante. Le temps que prend l'établissement des faits, il est habituellement trop tard.

Par conséquent, le comité de modernisation a recommandé, et je cite:

D'abolir la disposition en vertu de laquelle il est interdit de citer des passages de discours prononcés à la Chambre des Lords au cours de la session courante.

L'examen des délibérations entourant notre propre Règlement en 1975 indique que des problèmes semblables ont été soulevés à ce moment-là par le sénateur Argue et le sénateur Flynn, même si le Sénat a quand même fini par adopter la disposition. Il s'agit peut-être d'une question que le comité des privilèges, du Règlement et de la procédure voudra étudier à un moment donné.

[Traduction]

L'interdiction de recourir à des citations directement tirées des débats de la Chambre des communes, désignée par euphémisme «l'autre endroit», avait pour but à l'origine d'empêcher, d'après Erskine May, des arguments stériles entre les membres des deux entités distinctes qui ne peuvent pas se répondre mutuellement et de prévenir les récriminations et les propos abusifs en l'absence de l'autre partie. Il reste qu'Erskine May et Bourinot, la sommité parlementaire canadienne, ont toujours admis quelques exceptions à cette règle.

Les quatre éditions de Parliamentary Procedure and Practice in the Dominion of Canada de Bourinot, qui vont de 1884 à 1916, font état de l'exception dans les mêmes termes:

Il est parfaitement acceptable, cependant, de se reporter aux documents officiels de l'autre membre du corps législatif, même si le document n'a pas été demandé officiellement et communiqué à la Chambre.

Pendant longtemps, Erskine May a précisé que ces documents officiels comprenaient non seulement les Journaux des deux Chambres, mais aussi les rapports de comité. Les rapports d'une Chambre n'étaient pas nécessairement communiqués à l'autre Chambre, mais dans les faits, il était accepté d'en faire mention au cours des délibérations.

Il me semble que ce dont on peut débattre peut légitimement faire l'objet d'une motion. Dès lors, il appartient au Sénat de l'adopter, de la modifier ou de la rejeter. C'est le principe même du processus de délibération.

Je déclare, par conséquent, que la motion du sénateur Roche peut être mise en délibération.

L'honorable Douglas Roche: Tout d'abord, je remercie Son Honneur de la peine qu'il s'est donnée pour préparer sa décision. Je remercie aussi tous les sénateurs qui ont participé au débat intéressant que nous avons eu l'autre après-midi.

J'ai trouvé, honorables sénateurs, que lorsqu'on entre au Sénat, il faut passer par une certaine courbe d'apprentissage. J'ai appris que lorsqu'on entend attirer l'attention du Sénat sur une affaire donnée, il vaut probablement mieux qu'elle n'ait rien avoir avec un débat qui a lieu à l'autre endroit, sinon on peut se heurter à des difficultés d'ordre procédural. Je ne souhaite pas débattre de ce qui a été dit à l'autre endroit. Telle n'est pas ma préoccupation.

J'ai servi à l'autre endroit. Je l'ai quitté volontiers et je lui ai fait mes adieux définitifs. Ce qui me préoccupe, c'est le principe que j'ai invoqué.

Par conséquent, si vous y consentez, honorables sénateurs, je vais tenter de m'y prendre autrement. Je demande donc à la Chambre la permission de retirer la motion no 121 inscrite en mon nom.

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant): La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

Les langues officielles

La détérioration progressive des services en français offerts aux francophones hors Québec-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Simard, attirant l'attention du Sénat sur la situation qui prévaut présentement vis-à-vis l'application de la Loi sur les langues officielles, de sa détérioration progressive, du désengagement des gouvernements au cours des dix dernières années et de la perte d'accessibilité des services en français aux francophones hors Québec.- (L'honorable sénateur Corbin).

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner la précieuse contribution des programmes d'immersion en français au Canada et pour exprimer l'espoir et les possibilités qu'ils offrent aux Canadiens des générations montantes de mieux comprendre, communiquer et travailler ensemble.

[Français]

Honorables sénateurs, c'est délibérément que je m'adresserai à vous tous en anglais aujourd'hui. Cela ne me pose aucun problème, étant bilingue depuis mon jeune âge sans l'aide d'aucun programme de langues officielles. À Grand-Sault, Nouveau-Brunswick, où je suis né et où j'ai fait mes études primaires, presque tout le monde pouvait communiquer dans les deux langues officielles; à tout le moins, nous savions nous faire comprendre.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je citerai d'abord John Sparrow Thompson, homme politique canadien respecté et juge au tournant du siècle. Dans le cas de ses propres enfants, ce grand Canadien reconnaissait la nécessité de l'apprentissage du français. Fidèle à sa conviction, et je cite ici le Dictionnaire biographique du Canada, Thompson a envoyé ses deux filles les plus âgées, Mary Aloysia et Mary Helena:

... à l'académie pour jeunes filles dirigée par les religieuses du Sacré-Coeur au Sault-Au-Récollet (Montréal-Nord), afin qu'elles apprennent convenablement le français, langue dont il avait entrepris l'apprentissage après être arrivé à Ottawa. Il estimait que l'incapacité de s'exprimer en français constituait un manque de savoir-vivre.

Certaines choses changent, et d'autres pas. Dans la version originale anglaise, c'est le mot «churlish», qui a une connotation très forte et qui n'est pas de moi, qui correspond à l'expression «savoir-vivre». Toutefois, la traduction «savoir-vivre» se rapproche davantage du sens que je connais du mot «churlish».

[Français]

Savoir vivre ensemble demeurera toujours le grand défi des Canadiens.

Je voudrais, avant d'aller plus loin dans mon propos, remercier le sénateur Simard d'avoir porté la situation actuelle de l'application de la Loi sur les langues officielles à l'attention du Sénat. Nous n'avons pas toujours été sur la même longueur d'ondes sous ce rapport en ce qui concerne certains programmes, objectifs ou détails, quoique dans l'ensemble, nous faisons cause commune. Je comprends tout à fait qu'il se préoccupe aussi de la survie et de l'épanouissement des communautés francophones au pays. Il s'agit là, pour nos compatriotes de langue et de culture canadiennes-françaises de leur capacité de pouvoir vivre, de s'éduquer, de pouvoir travailler et de pouvoir s'exprimer dans leur langue maternelle. Là-dessus, nous sommes d'accord.

Néanmoins, il m'apparaît tout aussi important d'examiner également l'autre côté de l'équation dans le contexte du bilinguisme national. Ce sera mon propos aujourd'hui.

[Traduction]

Depuis l'adoption de la Loi sur les langues officielles, en 1970, les Canadiens ont été obligés de tenir compte de la réalité du bilinguisme au Canada et d'y réagir. L'engagement de faire une place égale à l'anglais et au français a enrichi le tissu social tout en renforçant la mission en apparence sans fin de l'unité nationale.

Des programmes d'immersion française contribuent à satisfaire à l'obligation nationale prévue à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, soit rendre l'éducation en français plus accessible. Il faut se rendre compte que les programmes d'immersion française représentent beaucoup plus qu'une méthode pédagogique proprement dite. L'importance des programmes d'immersion française transcende les salles de classe en faisant ressortir l'importance de l'égalité linguistique.

Les programmes d'immersion française représentent une étape importante de l'atteinte de la condition sine qua non à un esprit d'unité nationale solide. L'engagement de milliers et de milliers de Canadiens anglais à l'égard des programmes d'immersion française et leur soutien de ces derniers témoignent de leur volonté soutenue d'atteindre cet objectif national. C'est là un fait que les soi-disant nationalistes québécois et les séparatistes du Québec ne reconnaîtront malheureusement pas.

Durant les années 70, grâce au financement légal du gouvernement fédéral, les provinces - que les éléments séparatistes appellent négativement des provinces anglophones - ont commencé à mettre en place des programmes d'immersion en français dans les écoles élémentaires et secondaires. En incorporant le français dans les programmes existants, on assurait aux élèves un apprentissage durable et longtemps attendu dans les deux langues officielles. Toutefois, en dépit de l'enthousiasme initial manifesté par le gouvernement à l'égard du financement de ces programmes, les contributions ont baissé par rapport aux années précédentes pour un grand nombre de programmes importants, notamment le programme des langues officielles dans les écoles, le Programme de bourses d'été de langues et le Programme des moniteurs de langues officielles.

En général, ces programmes sont très efficaces car ils permettent aux étudiants de parler français en dehors de la classe, de se plonger dans le monde du travail, dans le monde réel et de constater d'eux-mêmes les avantages et l'importance de l'enseignement en français. Ces programmes sont parrainés en partie par le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, qui veut assurer aux jeunes Canadiens la meilleure préparation possible au monde dynamique du travail.

En 1997, dans un article paru dans le Vancouver Sun, l'ancienne présidente du groupe de parents canadiens en faveur de l'immersion en français, Kate Merry, a fait observer à juste titre que le gouvernement fédéral avait réduit sa contribution de près de 40 p. 100 dans les classes où se faisait l'immersion en français. Le fait est que l'aide accordée par le fédéral aux provinces dans le cadre du Programme des langues officielles est tombée à 169 millions de dollars alors qu'elle était de 245 millions en 1993-1994. La situation économique a peut-être temporairement justifié cette réduction. Toutefois, je pense que le financement devrait être rétabli au niveau auquel il était auparavant.

La conception des programmes d'immersion en français est assurée par chaque province. En général, cela consiste à faire en sorte que 50 p. 100 du programme ordinaire soit donné en français.

Il existe dans tout le Canada divers niveaux de programmes d'immersion en français et ces programmes varient selon la disponibilité des enseignants, les ressources pédagogiques et les souhaits des parents.

Il y a quelques semaines, au poste de radio local de la CBC, j'ai entendu un parent de langue anglaise habitant la région d'Ottawa qui déplorait la fermeture des classes d'immersion française et qui exprimait le souhait qu'elles soient maintenues.

Outre les programmes d'immersion française, la plupart des écoles primaires et secondaires offrent aussi des programmes de français de base. Les élèves qui ne sont pas en classe d'immersion doivent prendre des cours de français parce que c'est obligatoire. Toutefois, la période de français est alors le seul moment où ils sont en contact avec cette langue. Les élèves qui terminent ce programme de français ne peuvent pas s'attendre à avoir appris plus qu'une base, un français élémentaire.

Étant donné la nature du programme, l'immersion française exige l'embauche d'enseignants spécialisés, l'exigence de base étant quatre années de premier cycle universitaire suivies d'une ou plusieurs années d'études de pédagogie. L'enseignement a beaucoup amélioré ses outils, dernièrement, grâce à Internet, qui est devenu une ressource pédagogique inestimable, et qui profite tant aux enseignants qu'aux élèves. Cependant, hier, toujours au bulletin de nouvelles national, on a dit qu'il manquait de professeurs de français compétents et diplômés dans les universités de langue anglaise. C'est regrettable, et cela illustre bien l'argument qu'il faut améliorer toutes les facettes des programmes et du financement. C'est aussi une indication sûre que les institutions elles-mêmes ont manifesté leur intérêt.

Les aspirations des enseignants qui veulent devenir des professionnels compétents, selon les exigences reconnues, ont donné naissance à l'Association canadienne des professeurs d'immersion. Cette association a pour mission d'orienter activement les efforts des enseignants. L'an dernier, je crois que c'était dans un article du Vancouver Sun, on rapportait les propos de la présidente nationale de cette association, Marie Christine Halliday. Elle disait qu'elle croyait que les programmes d'immersion française étaient tellement entrés dans les moeurs qu'ils ne pourraient plus disparaître.

Pour que les étudiants des programmes d'immersion française puissent conserver et améliorer les connaissances acquises dans le cadre de leurs cours, il est important qu'ils aient accès à des médias de qualité en langue française. De plus, il importe au plus haut point de diffuser abondamment partout au pays des émissions de radio et de télévision en langue française. En limitant la diffusion de la programmation de base aux minorités francophones des provinces où l'anglais est la langue de la majorité, on réduit considérablement les occasions parascolaires qu'ont les étudiants en immersion d'apprendre la langue et de s'informer.

À mon avis, notre diffuseur national, la CBC et la SRC, a lamentablement échoué à ce chapitre. Maintenant que le moment de renouveler sa licence de radiodiffusion est arrivé, j'espère que les Canadiens se prononceront en faveur d'un élargissement de sa mission afin qu'il diffuse davantage en français et dans l'espoir qu'il rapproche les deux groupes linguistiques du Canada.

Reconnaissant la valeur inestimable d'une éducation en langue française, le gouvernement a récemment contribué d'une somme de 1,1 million de dollars à des programmes d'acquisition d'expérience paraprofessionnelle axés sur l'amélioration des connaissances en français. Cette somme est une misère, mais au moins, elle est un signe de soutien.

Le programme fédéral études-travail permet à des étudiants anglophones de travailler dans des régions francophones partout au Canada. Les étudiants peuvent ainsi parfaire leur connaissance du français. Ils sont choisis à partir d'un répertoire national d'étudiants d'université et, selon leur dossier scolaire, leurs compétences et leurs aspirations professionnelles, ils vont travailler dans un ministère fédéral approprié. Cependant, le niveau d'aide n'est pas suffisant pour créer un impact durable. Il faudrait faire davantage. Ces programmes permettent aux étudiants d'être exposés aux réalités sociales qui existent en dehors des salles de cours et de voir directement les avantages que procure la connaissance du français. Bien sûr, ces compétences linguistiques sont également très précieuses sur la scène internationale, et ouvrent de nouvelles avenues et des possibilités de carrière à nos jeunes Canadiens.

Je voudrais maintenant donner une idée du nombre d'enfants canadiens qui participent à des programmes d'immersion en français. Malheureusement, je n'ai pas pu avoir accès aux chiffres les plus récents, mais ceux que je présenterai maintenant servent du moins à donner une idée de la situation. Depuis les années 70, lorsque les programmes d'immersion en français ont été créés pour la première fois, jusqu'au milieu des années 80, les taux de participation étaient élevés. À l'heure actuelle, 317 000 étudiants au total sont engagés dans des programmes d'immersion en français partout au Canada. Les taux de participation ont tendance à demeurer stables, peu importe la région ou la province. Le nombre d'écoles qui offraient des programmes d'immersion en 1977-1978 se chiffrait à 237. Il y avait 2 110 écoles en 1996-1997 et 2 141 écoles pendant l'année scolaire 1997. Cela ne veut pas dire que les chiffres ont atteint un sommet, bien qu'ils aient peut-être atteint un plateau. De toute évidence, il y a également de la place pour un élargissement des programmes.

Ce nombre élevé de participants constants aux programmes d'immersion en français indique que ces programmes sont populaires, qu'ils répondent à un besoin et que, en général, ils sont bien accueillis dans tout le Canada. Par exemple, en 1998, en Colombie-Britannique, 30 000 étudiants ont participé aux programmes d'immersion en français dans 238 écoles qui les offraient. En Ontario seulement, 158 000 étudiants de 1 084 écoles ont participé à des programmes d'immersion en français. C'est plus que le total de la population étudiante francophone et anglophone de ma province, le Nouveau-Brunswick.

[Français]

Son Honneur le Président: Je regrette de vous interrompre, honorable sénateur Corbin, mais votre période de quinze minutes est terminée. Demandez-vous la permission de poursuivre votre discours?

Le sénateur Corbin: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Corbin: Je vous remercie, honorables sénateurs.

Les chiffres que je viens de citer sont, à mon avis, vraiment impressionnants. Les motifs qui expliquent le grand nombre d'inscriptions peuvent être liés à plusieurs facteurs dont les encouragements des parents et l'amélioration des possibilités d'emploi. Les résultats des programmes d'immersion, qui visent à rendre les élèves bilingues, sont extrêmement positifs et inspirent l'espoir et l'optimisme. Il est indéniable que les enfants de parents canadiens français anglicisés ont maintenant, grâce à ces programmes, l'occasion de renouer avec leur racines linguistiques et culturelles et c'est une chose excellente.

L'intérêt soutenu pour l'immersion en français illustre la réussite de ces programmes, qui ont atteint les objectifs visés. L'attitude envers l'immersion en français est résolument favorable. L'appui des parents qui encouragent leurs enfants à s'inscrire en immersion en français, malgré le fait qu'ils soient pour la plupart des anglophones unilingues ou des immigrants nouvellement arrivés et ne connaissant que peu ou pas le français ou l'anglais, prouve qu'ils sont conscients de l'importance pour leurs enfants d'acquérir ses connaissance linguistiques et des avantages que cela représente pour ces derniers.

Honorables sénateurs, je tiendrai compte de votre patience et je couperai court aux remarques que j'avais prévu faire aujourd'hui. Je terminerai en disant que les programmes d'immersion en langue française peuvent permettre de modifier graduellement les attitudes qui ont, depuis toujours et en raison de craintes non fondées, résisté à l'égalité linguistique, et de faire systématiquement disparaître l'aliénation que ne manque pas d'entraîner l'inégalité des situations qui entrave à son tour le progrès collectif. Réjouissons-nous des succès remportés par les programmes d'immersion française et ayons recours à l'ouverture d'esprit et à l'égalité qui en découlent pour nous rappeler que l'unité nationale exige la compréhension et la coopération entre tous et une communication ouverte entre les parties. La langue est la vie en elle-même.

[Français]

Je voudrais, en terminant, remercier Mme Aneel Rangi, une ex-page du Sénat qui travaille maintenant à mon bureau à titre de recherchiste. Elle m'a aidé à rédiger ce discours et elle en a fait toute la recherche fondamentale.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les pays en voie de développement

L'état de l'éducation et de la santé chez les jeunes filles et les femmes-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur la population, l'éducation et la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.-(L'honorable sénateur Wilson).

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter mes observations à celles des sénateurs Losier-Cool et Pépin, ainsi que d'autres, relativement à l'étude de la population, de l'éducation et de la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.

Margaret Atwood a dit:

C'est à travers les larmes qu'on voit le mieux la réalité du monde. Pourquoi me dire alors que mes yeux me jouent des tours?

Parler de population, de santé, d'éducation et de développement en ce qui concerne les jeunes filles et les femmes alors que nous approchons de l'an 2000 c'est, en fait, voir le monde à travers des larmes. Beaucoup de femmes et de jeunes filles dans les pays en développement passent leurs journées à porter de l'eau, à chercher de la nourriture, à broyer du grain, à garder de jeunes enfants et à s'occuper des chèvres dans le champ. Il est probable que les jeunes filles soient mariées dès l'âge de 15 ans et n'aient pas tellement de contrôle sur le nombre de grossesses qu'elles auront. Il est bien connu que deux analphabètes sur trois dans le monde sont des femmes ou des jeunes filles et le pourcentage est beaucoup plus élevé si l'alphabétisme est loin de se limiter à savoir lire et écrire. Un alphabétisme complet signifie être en mesure de répondre aux besoins d'une société planétaire et comprend la connaissance des soins de santé primaires, y compris les choix personnels en matière de reproduction, la nécessité d'avoir de l'eau potable, une bonne nutrition et la réduction du taux de croissance de la population mondiale.

Permettez-moi de parler brièvement de la notion de développement. Au cours des dernières décennies, le développement a été associé principalement au PNB d'un pays donné. Graduellement, on a élargi cette notion et ainsi, le développement de nos jours englobe la santé et le bien-être d'une population donnée dans toutes les dimensions de la vie. Un des critères de développement est la mesure dans laquelle les femmes sont libres de participer aux décisions touchant leur propre vie et leur avenir.

Le développement empiète donc sur un certain nombre de domaines connexes, dont la santé, l'égalité des femmes, les droits de la personne, l'aide extérieure, l'immigration et le statut de réfugié et le développement durable. Et pourtant, selon un document de travail de mars 1999 concernant la Conférence internationale du Caire sur la population et le développement, le Canada n'a aucune politique démographique et de développement qui intègre toutes ces questions.

Permettez-moi de dire un mot au sujet de la population et de la santé. À chaque seconde, cinq personnes naissent et deux meurent, ce qui donne un résultat net de trois personnes. À ce rythme, la population mondiale doublera tous les 40 ans. L'explosion démographique des pays en développement et la consommation excessive des pays développés du Nord exercent d'énormes contraintes sur les ressources naturelles. À la veille de l'an 2000, nous sommes extrêmement conscients que la population de toute la terre va se multiplier rapidement et qu'il y aura une grave pénurie de terre, d'eau, de nourriture et d'énergie. C'est ensemble que nous vivons et mourons.

Certains des thèmes qui divisent le plus les gens sont la planification familiale, les droits des femmes à la reproduction et la santé. À l'occasion de la Conférence internationale sur la population et le développement, qui s'est déroulée au Caire en 1994, il y a eu un changement radical dans le domaine du contrôle de la population mondiale. Au lieu de fixer des objectifs de réduction de la population, la stratégie a mis l'accent sur les droits de la personne humaine, comme il avait été prévu dans la Convention de 1980 des Nations Unies pour mettre fin à la discrimination à l'endroit des femmes. Il s'agissait de la santé liée à la fonction reproductrice, du renforcement de l'autonomie des femmes et du développement durable. Un des principaux thèmes abordés au Caire fut que la mesure du bien-être d'un pays donné est lié à la situation de la fillette.

Un des objectifs fixés lors de cette conférence était de rendre la planification familiale universellement accessible d'ici l'an 2015. Selon un compte rendu de cette conférence que j'ai entendu à Toronto, des femmes de foi catholique romaine et islamique ont pour la première fois remis en question les politiques relatives aux droits en matière sexuelle et de reproduction qui ont été établies par leurs dirigeants religieux de sexe masculin.

J'ai mentionné le lien qui existe entre le développement, la croissance de la population et l'économie. À l'occasion d'un séjour en Inde, j'ai effectué une visite sur le terrain en compagnie de la responsable de la planification familiale en Inde. À cette époque, les femmes qui étaient disposées à recourir au stérilet pour éviter d'avoir d'autres enfants recevaient un montant de cinq roupies pour chaque visite chez le médecin. Il fallait verser une roupie pour faire enlever le stérilet. Une femme très pauvre m'a dit qu'elle se rendait chez le médecin, faisait installer le stérilet, recueillait les cinq roupies, puis retournait ensuite chez le médecin pour le faire enlever pour une roupie. En bout de piste, elle pouvait avoir recueilli 25 roupies et ainsi être en mesure de nourrir sa famille. Qui pourrait le lui reprocher? Sa préoccupation dominante était la nourriture. S'il n'y a pas d'enfant pour aller chercher de l'eau et trouver de la nourriture, qui va s'en charger?

Quelles sont les stratégies mises en place en ce qui concerne les problèmes interreliés de la croissance incontrôlable de la population, de l'économie et de la santé? Plus particulièrement, quel rôle le Canada se voit-il jouer dans ce contexte?

Un des principaux objectifs fixés à l'occasion de la Conférence du Caire a été d'assurer l'éducation, en particulier celle des filles, et d'évaluer les niveaux d'aide internationale nécessaire pour rendre les ressources disponibles à cette fin.

Et l'éducation? Est-ce vraiment la panacée que l'on dit? Il semble que l'éducation des jeunes filles donne trois résultats: elle peut être un moyen efficace de lutter contre la pauvreté; elle peut ralentir la croissance de la population, parce que même les mères possédant un minimum d'instruction peuvent comprendre la planification familiale; les mères instruites tendent davantage à prendre soin de leur santé pendant la grossesse, de sorte qu'il y a une baisse du taux de mortalité des nourrissons et des mères, et à élever des enfants mieux nourris et plus instruits, peu importe le sexe. La femme instruite est le meilleur contraceptif, selon un haut fonctionnaire responsable de l'application de la loi à Bombay, qui avait passé des années à étudier l'un des principaux problèmes de son pays.

La campagne en faveur de l'éducation des jeunes filles, même selon des méthodes formelles, ou traditionnelles, s'est étendue et a commencé à donner des résultats. Entre 1985 et 1995, le fossé entre les sexes s'est rétréci pour ce qui est de l'inscription scolaire. Pourtant, ce n'est pas seulement au niveau de l'éducation formelle que des gains doivent être faits par les femmes et les jeunes filles. Margaret Mead a parlé de l'alphabétisation pour tous dans les termes suivants:

Il faut élever les enfants au sein de communautés qui reproduisent toute l'humanité, et montrer aux enfants et aux femmes à penser à toute l'humanité.

Nous paralysons les gens, quand nous les condamnons à vivre dans une ville où il n'y a pas de personnes âgées, pas d'enfants, pas de personnes handicapées, pas de personnes de couleur différente, pas de personnes qui parlent une langue autre que celle de la majorité, où tout le monde est riche ou alors tout le monde est pauvre. Ce genre d'alphabétisation est une exigence spirituelle de premier ordre dans notre monde.
Karen Austin, une stagiaire auprès de Human Rights Internet, un organisme dont le siège est situé ici à Ottawa, écrit au sujet du réseau d'éducation populaire au Salvador, qui est en train de forger de nouveaux modèles d'éducation non officielle. Dans le cadre de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant, un groupe de communautés rurales ont créé un système d'éducation populaire qui offre une éducation gratuite, accessible et pertinente aux enfants. Dans les années 70, le taux d'alphabétisation dans les régions rurales du Salvador était faible. On calculait qu'entre 10 et 20 p. 100 seulement de la population rurale adulte savait lire et écrire. Dans les camps de réfugiés, des cercles d'alphabétisation sont nés. Ceux qui avaient un an ou deux de scolarité partageaient leurs connaissances avec les autres. Le taux d'alphabétisation dans ces communautés s'est élevé graduellement pour atteindre 70 p. 100.

Le leader du gouvernement au Sénat a dit tout à l'heure que le Canada était le meilleur pays du monde d'après l'Indice du développement humain de l'ONU, mais quand on tient compte de la situation des femmes au Canada, nous retombons au septième rang, de sorte que nous ne sommes pas aussi formidables que nous pourrions l'imaginer. Un autre des échecs du Canada tient au fait que nous n'avons pas réussi à respecter nos engagements internationaux quant à notre objectif d'aide au développement international de 0,7 p. 100 de notre PIB. Le dernier budget a au moins réussi à stabiliser le budget d'aide au développement international, mais l'objectif reste à 0,3 p. 100, le plus bas de toute notre histoire, sans aucun espoir de remonter d'ici l'an 2000. Dans le cadre de notre politique d'aide internationale, le Canada consacre 25 p. 100 de son aide publique au développement aux besoins humains fondamentaux, dont la planification familiale et l'éducation de base constituent des éléments clés, mais ce déplorable état de fait n'a suscité absolument aucune protestation publique. De plus, le Canada n'a pas de cadre politique en matière de santé sexuelle et génésique.

Permettez-moi de terminer en racontant l'histoire du cow-boy dans la prairie qui regarde un troupeau de bisons. Il dit à son compagnon qu'il n'a jamais vu un troupeau semblable. Les bêtes lui paraissent minables, elles ont les yeux injectés de sang et le poil enchevêtré, et elles ont l'air famélique. Il leur jette un dernier regard, exprime sa répugnance et tourne bride avec dégoût. Un bison dit à l'autre: «Nous venons d'entendre chez nous, dans la prairie, quelque chose qu'on entend rarement, un mot de découragement.»

Nous avons entendu bien des propos décourageants au sujet des femmes et des jeunes filles, de la population, de la santé et du développement. Nous les avons entendus, mais bien des gens ne les gobent pas. Nous cherchons à transformer la situation. Il est grandement nécessaire de sensibiliser le public à ces problèmes et aux obligations du Canada. Sans un appui solide de l'opinion pour agir dans le domaine de la population, de la santé et du développement des femmes dans les pays en développement, il ne se produira probablement pas grand-chose. Les parlementaires ont un rôle crucial à jouer pour saisir l'opinion des problèmes de population et de développement.

Je vous invite à le faire.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de reporter la date de son rapport final

L'honorable Nicholas W. Taylor, conformément à l'avis du 11 mars 1999, propose:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 23 octobre 1997, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, autorisé en conformité de l'article 86(1)p) du Règlement, à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles au Canada, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 31 mars 2000.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 17 mars 1999, à 13 h 30.)


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